Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un matin qu’Antoinette était dans le vieux salon du manoir où les dames avaient l’habitude de passer la matinée, son père vint lui remettre une lettre qu’il tenait à la main.

— Voilà une dépêche qui pèse autant que celles ordinairement reçues au Secrétariat-Provincial, dit-il en riant.

Aucun sourire n’effleura les traits de la jeune fille en recevant la lettre, qu’elle glissa dans les plis de sa robe, en murmurant quelques mots de remerciement.

M. de Mirecourt, qui avait ce jour là un nombre plus qu’ordinaire de causes en délibéré, partit presqu’aussitôt. Quelques instants après, Antoinette se leva à son tour.

— Pourquoi ne lis-tu pas ta lettre ici, mon enfant ? demanda madame Gérard. Je te promets de ne pas dire un mot, de ne pas la regarder, pendant que tu en prendras connaissance.

La jeune fille fit quelques excuses d’une voix presqu’inintelligible et sortit.

Ah ! c’est que les lettres qu’elle recevait ne devaient pas être lues devant des personnes dont elle redoutait l’observation ; c’est qu’elles faisaient trop monter le rouge de l’émotion à ses joues et les larmes à ses yeux, pour pouvoir affronter cet examen ; c’est qu’elles amenaient sur ses traits l’expression trop claire du plaisir ou de la peine qu’elle éprouvait en les lisant et que la peine avait trop lieu de prédominer,