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d’un œil avide les différentes phases de cette conférence à voix basse entre les deux jeunes gens, et à mesure qu’il avançait dans cet examen, ses traits prenaient une expression de satisfaction prononcée, ses rires étaient plus fréquents et plus prolongés. Au cours de la soirée, il consulta son ami sur le projet qu’il avait en tête, et lui fit part de l’opposition que mettait Antoinette à la réalisation de ses vœux.

— Mon opinion, — répondit M. d’Aulnay en désignant d’un signe de tête les deux jeunes gens qui causaient à mi-voix dans l’embrasure d’une fenêtre, — mon opinion est que vous devez les laisser tranquilles : c’est le meilleur moyen de les rendre plus désireux que vous-même de remplir vos vœux. Il est vrai que je ne m’entends que très-peu dans le caractère ou les singularités des femmes ; mais j’ai lu les ouvrages de ceux qui ont étudié la question à fond : ils sont tous d’accord pour affirmer que c’est une chose très-difficile de forcer une jeune fille à aimer contre sa propre volonté. Sans doute ces auteurs vont plus loin : ils disent que, la mettre en garde contre ou lui défendre d’aimer tel individu, c’est le moyen le plus sûr et le plus efficace de la faire s’attacher à lui.

M. de Mirecourt ne put s’empêcher de sourire à l’exposition de cette doctrine qui, suivant lui, pouvait très bien avoir été exagérée ; mais il faisait assez de cas des opinions de M. d’Aulnay pour accepter le conseil qu’il lui avait donné de laisser sa fille tranquille