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PLAISIRS RUSTIQUES

un horizon comme céleste, de sapins, de hêtres, de frênes, dominé par le château féodal, aux lourdes poternes, aux murs épais, pourvu d’anciennes oubliettes redevenues des cavités sans destination. Il a, bien que peu gastronome, célébré les truites de la Semoy. Il les qualifiait de « divines ». On trouvera plus loin des lettres où il vante le charme, pourtant relatif, des plaines de l’Artois, des marais de Fampoux, où s’enlisèrent les wagons de la Compagnie du Nord, dans un terrible déraillement encore mémorable.

Il avait le sens du terroir ; il portait en lui ce fumet du sol natal qui est comme le bouquet de l’âme du patriote. Car, malgré les désordres de son existence, les défaillances de sa conduite, les bizarreries de son caractère, les vices qu’on lui prête, ceux qu’il a eus, et en dépit surtout de ses amitiés, de ses relations quotidiennes, et qui auraient pu être destructrices à cet égard, il garda toujours le respect du drapeau, le culte de la Patrie, l’espoir, comme son ode à Metz le prouve, du relèvement guerrier, territorial et moral de la France. Il fut un déclassé, un vagabond, et un désorbité, il ne fut jamais ni un cosmopolite, ni un déraciné, ni un mauvais Français. Tant que l’on honorera, comme un noble sentiment, comme une vertu, le patriotisme, Paul Verlaine devra être traité, sur ce point, en honorable et vertueux citoyen. Ceci peut choquer certains admirateurs. Ils seront mécontents de cet éloge. Verlaine patriote, c’est Verlaine abaissé, devenu presque vulgaire, à leurs yeux. C’est cependant un fait exact, que sa correspondance, plusieurs passages de ses œuvres, et sa conduite à différentes époques de sa vie affirment.

Verlaine a fait de nombreux séjours dans l’Artois, le pays de sa mère. À ces contrées pourtant moroses, il