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ami ne faisait face, en souriant, à la rébarbative porte de la geôle bâillant pour laisser sa proie échapper. Mme  Verlaine, le cœur ulcéré, bien qu’ayant déjà pardonné au fond du cœur, n’avait pas voulu faire le voyage de Vouziers pour accueillir sur le seuil, enfin libre, le fils trop peu maître de soi. Elle gardait, non du ressentiment, mais de la tristesse, de l’algarade de Coulommes ; elle eut l’intention de punir par son absence l’inconscient et impulsif garnement. Et puis, ce qui justifiait en partie l’irritation de Verlaine, son conseil, M. Dane, l’avait dissuadée de venir chercher Paul à sa sortie de prison.

Notre libéré, sur le moment, voulut paraître crâne et insensible. Il écarta, comme un oiseau importun, le souvenir de sa maman, voletant autour de lui. Rien ne pouvait lui être plus sensible que cette absence voulue. Il comprit la punition qu’à distance lui infligeait l’éternelle indulgente. Il s’efforça, pour ne pas sembler ému ni pour s’avouer châtié. Être relaxé comporte la liberté de boire. Il en usa sur-le-champ. Dam ! on se plaît à trinquer, un matin d’exeat. La compagnie est précieuse à qui vient d’être en captivité. Avec qui choquer le verre de l’indépendance reconquise ? Parbleu ! avec le compagnon qui était là, sur le seuil sévère : le gardien-chef qui avait tiré les verroux, et jouait avec son trousseau de grosses clefs en reconduisant poliment l’ex-prisonnier, avec lequel il avait eu de bons rapports. Verlaine l’invita. On s’en fut vider une bouteille de vin blanc au « Bon Coin », rendez-vous ordinaire du personnel de la prison.

Cette libation, en plein air, sous la tonnelle, réconforta le poète, un instant. Mais il fallut se quitter. Le gardien-chef ne pouvait s’absenter longuement. Paul resta seul, en tête à tête avec une bouteille. Il songea,