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posté à l’angle des routes. Le bien-être, un peu grossier, mais réconfortant, des maisons de village, ouvrant leurs fenêtres garnies au matin d’édredons rebondissants et de matelas épais exposés au soleil qui purifie, dans la salubrité du grand air vivifiant, lui paraissait désirable et délicieux, quand il s’évadait des cellules des villes, pires que les prisons belges.

Mais le paysan, l’homme du sol, le rustre véritable, n’apprécie pas du tout ces bienfaits de l’existence champêtre. Il rêve, le travailleur des champs, demeuré plus ou moins l’ancien serf de la glèbe, l’émancipation de la ville, le troc de la blouse et des sabots contre les souliers de l’ouvrier, ou le veston de l’employé ; dans une ambitieuse vision, il entrevoit aussi l’uniforme du fonctionnaire. Son cerveau est aveugle et ne saurait voir la terre, les arbres, les nuages. En vain pour lui les collines estompent l’horizon. Il ne comprend rien à la mélancolie des plaines grises que mouchette un vol noir de corbeaux. Avec ses yeux de poète, le paysan Verlaine ne pouvait avoir l’âme rurale. Il se méprit sur sa vocation de cultivateur, mais non sur sa compétence d’observateur lyrique. Il était le passant des champs, le citadin qui, pendant des semaines de vacances, redevient rustique à l’odeur des sillons, mais chez qui cet appétit terrien ne dure pas. Il était plutôt fait pour l’existence monotone, sans risques, sans à-coup, du rentier provincial, ou du retraité de petite ville, voire du hobereau de gentilhommière. Il eût rimé des sonnets en regardant planter les choux. Il ne pouvait s’adapter à la vie inquiète et laborieuse, active et tourmentée, du cultivateur, dans la perpétuelle angoisse de la pluie, de la sécheresse, de la grêle, de la maladie sur les bestiaux, de la mévente sur les marchés, de la hausse ou de la baisse