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Comme un long Pierrot de corvée,
Très élégant sous le treillis,
D’une allure toute trouvée.
Je te vois autour des canons,
Frêles doigts dompteurs de colosses,
Grêles voix pleines de crés noms,
Bras chétifs, vainqueurs de colosses.
Et je te rêvais une mort
Militaire, sûre et splendide,
Mais Dieu vint qui te fit la mort
Confuse de la typhoïde…


Verlaine a expliqué en partie l’affection qu’il éprouva pour ce jeune fils des champs. D’abord : « j’ai la fureur d’aimer ! » clame-t-il. Ça, c’est un cri vrai. Plus d’une fois, il s’est laissé entraîner par ce torrent d’amour, qu’il roule en soi : déception, désillusion, découragement, détresse. Embarqué pour l’île des chimères, il n’en rapporte rien que d’affreux désespoirs, puis il rembarque. Et puis la mort intervient.


… Que lui fait la mort, sinon celle d’un autre !
Ah ! ses morts ! Ah ! ses morts ! mais il est plus mort qu’eux !
Quelque fibre toujours de son esprit fougueux
Vit dans leur fosse, et puise une tristesse douce.
Il les aime, comme un oiseau son nid de mousse ;
Leur mémoire est son cher oreiller, il y dort ;
Il rêve d’eux, les voit, cause avec et s’endort
Plein d’eux…


Ensuite, ce sentiment pour un garçon beaucoup plus jeune que lui, qui n’était ni de son milieu, ni de son éducation artistique, eut pour cause un dérivatif louable de l’amour paternel. Verlaine retrouvait en lui son fils éloigné, comme mort pour lui.

On sait que, lorsque Verlaine quitta la maison des parents de sa femme, devenue le théâtre de querelles quotidiennes, il laissait presque au berceau un jeune