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créatrice se stériliser. L’ombre du cachot est mortelle pour la floraison de la pensée. Les exemples abondent. L’auteur de Sagesse fut une exception.

L’isolement, la méditation et le repliement sur soi même agirent fortement sur son esprit. Il eut des avatars multiples dans sa cellule. La conversion ne fut pas sa seule métamorphose. Une exacerbation sensuelle, issue de la continence, développée par le souvenir de la chair qui avait été conjugale, stimulée par des cérébralités passionnelles, troubla sa poésie, jusque-là plutôt chaste, objective, impersonnelle. Il eut des accès d’érotisme lyrique dont ses livres postérieurs nous ont gardé la trace. Il s’amusa à combiner, dans son agitation claustrale, des visions d’amour et des chants passionnels. Ainsi, l’on retrouve, dans les greffes, parmi des papiers de prisonniers, des menus fictifs, où des plats succulents et des vins renommés figurent. Le détenu, réduit à la pitance maigre et fade de la maison, l’égalait son imagination de cartes appétissantes. Verlaine, dans sa solitude pénitentiaire, entre une lecture du catéchisme de Gaume et une invocation poétique à la Prière ou un cantique à la Vierge, composait des poèmes évocatifs et peu édifiants.

Ce fut la prison, avec le souvenir des dissertations d’Arthur Rimbaud, de sa pédagogie rythmique, qui le firent réfléchir sur des combinaisons lyriques, où la musique, une musique versifiée, spéciale et neuve, jouerait un rôle important, ferait plus qu’accompagner l’idée, évoquerait la sensation, le souvenir, la correspondance, comme un parfum représente, aux sens affinés et exercés de certains, des visions réelles, des images distinctes, des êtres et des choses presque tangibles. La longue admiration qu’il avait pour Baudelaire ne fut pas étrangère à cette conception. Le titre de Romances sans