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Pas davantage je n’insinuerai qu’il fut alors atteint d’une folie momentanée, la folie mystique. J’entends exprimer seulement un doute sur la réalité de la croyance enfantine revenue, et sur la persistance et la vérité de la moralisation issue de ce bizarre retour à la religion. Il ne fut pas converti par la puissance de l’examen, par la persuasion, par l’apparition d’une évidence, mais seulement par la violence d’une bourrasque d’existence, par la tempête morale et matérielle au centre de laquelle il se trouvait emporté. Il invoquait le saint pendant la tourmente. Le danger passé, le proverbe pour lui devait se vérifier.

Verlaine avait fait sa première communion, comme nous tous, au temps du lycée. Mais sa ferveur ne fut qu’accidentelle, et sa foi devait être, comme la nôtre, superficielle. J’affirme que, dans sa jeunesse, il ne croyait pas. Il n’était pas seulement éloigné du culte par les ennuis de la pratique, mais il s’écartait de la religion par dédain et négation. Nous avions lu ensemble, entre autres ouvrages matérialistes, le livre alors célèbre et réputé hardi, du docteur Büchner, Force et Matière, y puisant des arguments scientifiques, non pas pour ergoter et disputailler, — dans nos réunions parnassiennes, nous ne parlions jamais religion, et très rarement politique, — mais pour nous instruire, nous endoctriner, pour nous fortifier la conviction philosophique. Par nos lectures, par nos réflexions, nous étions persuadés de l’inexistence du surnaturel, de l’impossibilité d’une providence tutélaire, et nous ne pouvions croire à l’existence d’un autre monde, pas plus qu’à la suprématie d’une puissance extérieure, indémontrable, qui domine l’humanité, la gouverne, se mêle de ses actes, les juge, les récompense, les punit, et nous ajoutions à cette impossibi-