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rateurs sincères, et en défenseurs ardents du grand et malheureux poète. C’est cette plaquette de Sens qui m’a permis de maintenir parmi les vivants le poète enfermé dans le tombeau cellulaire, muré dans un sépulcre d’animosité et d’oubli.

Une correspondance, forcément restreinte, à raison des visas au greffe et autres formalités administratives, s’échangea entre le prisonnier et moi, ayant pour objet principal l’impression, la correction des épreuves, tout le détail d’une publication, et aussi, sempiternel refrain douloureux, les regrets, les élans, les malédictions, et les désespoirs, que lui inspiraient l’attitude de sa femme et le procès suivant son cours.

Ces lettres, dont quelques-unes furent mises à la poste clandestinement, et parfois sans timbres-poste, « on est pauvre en prison », écrivait le détenu, sont écrites sur du papier à lettres pelure, sali, déchiré, portant le mot « Bath », — qui dut faire sourire plus d’une fois Verlaine, — en filigrane dans le haut, le papier des cantines. Plusieurs me parvinrent, presque illisibles, étant d’abord minutées, par économie de papier et de port, d’une écriture microscopique et appliquée, de plus, maculées par l’encre grasse bleutée du cachet administratif, soit de la maison de sûreté des Petits Carmes, à Bruxelles, soit de la maison d’arrêt de Mons.

Voici l’une des premières lettres que je reçus de la prison des Carmes, six semaines environ après la condamnation :


Bruxelles, dimanche, 28 septembre 1873.
Mon cher ami,

Dès que cette lettre te parviendra, veuille me répondre poste par poste. Tu comprendras combien j’y tiens. Depuis trois semaines, je n’ai plus de visites, ma mère étant partie, et j’ai