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accalmie de sobriété et de sagesse, qu’il ne pouvait continuer à vivre ainsi, qu’il devait modérer ses frais et chercher un autre mode d’existence. La réconciliation avec sa femme lui était apparue comme la seule issue avantageuse à l’impasse où il s’était engagé. Il fallait l’ouvrir, cette porte de sortie. Il pensait faciliter la reprise de l’existence conjugale, en rompant ainsi, brusquement. Il ne se sentait pas le courage de négocier la rupture. En abandonnant Rimbaud, à Londres, par une fuite soudaine, il estimait donner un gage à sa femme, il affirmait ainsi sa volonté d’en finir, en même temps qu’il rendait à peu près impossible toute réunion ultérieure avec son compagnon, jusque-là réputé inséparable.

Peut-être aussi Verlaine prit-il sa résolution, dont la vigueur contrastait avec sa faiblesse coutumière, dans un accès de surexcitation alcoolique. Naturellement il ne me prévint pas, et l’on en est réduit aux conjectures sur ce départ précipité, surprenant, sur cet abandon de Rimbaud et de l’Angleterre, qui devaient avoir, à bref délai, pour conséquence la querelle de Bruxelles, le coup de feu, le procès, et la condamnation.

L’état psychologique de Verlaine à cette époque était douloureux, presque morbide. Il détestait et adorait sa femme, ai-je dit. Selon les phases de sa cérébralité, il l’invoquait, il la désirait, ou bien il la maudissait et l’accablait, à distance, de reproches et d’injures. Il lui écrivit, dans un de ces moments de bienveillance et de nostalgie conjugale. Il la suppliait de venir le rejoindre à Bruxelles. Il promettait de ne donner prise, par la suite, à aucun reproche. Il ajoutait qu’il se tuerait si sa femme ne répondait pas à son appel. Probablement pour la décider, il lui annonça qu’il ne verrait plus Rimbaud, qu’il irait seul en Belgique.