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PAUL VERLAINE

les vices, colère, luxure, — magnifique la luxure, surtout mensonge et paresse…

J’ai horreur de tous les métiers…


Le jeune homme se vantait. Il n’était pas si vicieux qu’il le voulait paraître. Il n’avait pas tant l’horreur du travail, puisqu’il a choisi, au Harrar, dans l’Arabie Pétrée et en Éthiopie, le rude métier de conducteur de chameaux et de pourvoyeur de nègres.

Plus loin, il s’écriait, dans une sorte de profession de foi démoniaque :


Prêtres, professeurs, maîtres, vous vous trompez en me livrant à la justice. Je n’ai jamais été chrétien ; je suis de la race qui chantait dans le supplice ; je ne comprends pas les lois ; je n’ai pas le sens moral ; je suis une brute : vous vous trompez.

Oui, j’ai les yeux fermés à votre lumière. Je suis une bête, un nègre. Mais je puis être sourd. Vous êtes de faux nègres, vous mauresques, féroces, avares. Marchand, tu es nègre ; magistrat, tu es nègre ; génie, tu es nègre ; empereur, vieille démangeaison, tu es nègre…


Évidemment le bois d’ébène, dont il devait par la suite faire la connaissance, hantait la cervelle surchauffée de l’intéressant éphèbe.

Il tenait à sa peau, malgré ce Magnificat en l’honneur de la puissance des ténèbres : « Comme je deviens vieille fille, disait-il, à manquer de courage d’aimer la mort ! »

Rimbaud était, dans sa jeunesse, un névrosé et un hystérique, mais assez peu touché par le mal, suffisamment robuste pour réagir vite et devenir le rude et peu sentimental colon de la réalité. Quand on chante sa douleur, c’est qu’on ne souffre plus ; quand on raisonne sa folie, elle est passée, et la raison, avec la santé, revient.

« À moi l’histoire d’une de mes folies ! » s’écrie Rim-