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pens, et que le mariage et les événements postérieurs devaient à jamais interrompre.

Tout en faisant sa cour, Verlaine continuait à rimer sa Bonne Chanson. Cette attente prolongée pendant près d’une année avait surexcité davantage les désirs du jeune fiancé. On était d’accord sur les questions d’intérêt, sur tous les points importants, sauf sur la date de la cérémonie. La fin du printemps ou le commencement de l’été de 1870 furent enfin choisis. Mais toujours l’apologue de la coupe et des lèvres se vérifie : brusquement la maladie survint, et, un jour qu’il se présentait rue Nicolet, souriant comme d’habitude, Verlaine trouva sa fiancée au lit : elle avait la petite vérole. Bien qu’il fût d’un tempérament plutôt timide et craintif, cette fois chez lui la passion domina et le fit hardi. Il se montra même téméraire : malgré les observations qu’on lui fit, il voulut absolument voir la malade. Il entra donc dans sa chambre, et, après avoir entendu quelques paroles incohérentes sortir de la jeune bouche fiévreuse que le délire agitait, il se retira, découragé, démoralisé. Les pires fantômes noirs voltigèrent sur son chemin, tandis qu’il regagnait tristement les Batignolles.

Le mariage, dont les publications allaient être faites, se trouvait donc indéfiniment ajourné. Il analysa lui-même très nettement les sentiments d’irritation, de déconvenue et de douleur qui l’assaillirent à ce moment :


À la douleur très réelle, et, comme toute très réelle douleur morale ou physique, très chaste, se mêlait, dois-je l’avouer, une manière de vilain désappointement, que je me blâmais et rougissais presque, si j’ose ainsi dire, mentalement, de ressentir, et comme qui dirait charnel. Alors, voilà mon mariage remis aux calendes grecques !… C’était bien la peine de tant m’abstenir, de tant jeûner !… J’étais comme qui dirait hon-