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Y baisent chastement, comme il sied aux péris,
                          Le saint poète,
Qui voit tourbillonner des légions d’esprits
                          Dessus sa tête.
L’âme, dans cet Éden, boit à flots l’idéal,
                          Torrent splendide,
Qui tombe des hauts lieux et roule son cristal
                          Sans une ride.
Ah ! pour me transporter dans ce septième ciel,
                          Moi, pauvre hère,
Moi, frêle fils d’Adam, cœur tout matériel,
                          Loin de la terre,
Loin de ce monde impur où le fait chaque jour
                          Détruit le rêve,
Où l’on remplace tout, la beauté, l’art, l’amour,
                          Où ne se lève
Aucune gloire un peu pure que les siffleurs
                          Ne la déflorent,
Où les artistes pour désarmer les railleurs
                          Se déshonorent,
Loin de ce bagne où, hors le débauché qui dort,
                          Tous sont infâmes,
Loin de tout ce qui vit, loin des hommes, encor
                          Plus loin des femmes,
Aigle, au rêveur hardi, pour l’enlever du sol,
                          Ouvre ton aile !
Éclair, emporte-moi ! Prêtez-moi votre vol,
                          Oiseau, gazelle !

10 mai 1861.


Cette pièce, à part la forme, qui est mal assurée, et encore pénible, contient des élans qui semblent de l’époque de Sagesse.

Voici une autre pièce, également inédite, d’inspiration différente, à peu près du même temps, qui exprime des sentiments impersonnels, avec la note baudelairienne, la coloration « orgiaque et mélancolique » de la poésie saturnienne.