Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/155

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les vers superbes de Pierre Dupont sur les Sapins.

Des très nombreux témoignages élogieux, quelques-uns de pure banalité courtoise, mais certains détaillés, justifiés, qui parvinrent au jeune poète, d’ailleurs fort paisiblement glorieux, il convient de mettre à part la belle lettre de Sainte-Beuve, qui figure dans sa Correspondance. Venu du grand, presque de l’unique critique de lettres que la France du xixe siècle ait eu, le seul peut-être qui restera, et dont on relira les monographies documentées, les jugements étudiés et serrés, en y joignant toutefois, antithèse et contraste, les fantaisistes et parfois si justes éreintements de cet extravagant et prestigieux Barbey d’Aurevilly, l’hommage doit compter. L’appréciation spontanée de Sainte-Beuve, envers un débutant, un inconnu, prouve que nous ne nous abusions pas, que nous n’étions pas le jouet d’une illusion de coterie et les dupes d’une camaraderie complaisante, quand nous déclarions, même sur manuscrit et d’après audition rapide, que la plupart de ces poèmes étaient beaux, et que Paul Verlaine était, à vingt ans, un vrai poète, appelé à devenir un grand poète.

Sainte-Beuve écrivit donc à Verlaine, en décembre 1866, c’est-à-dire à l’apparition même du volume :


Monsieur et cher poète,

J’ai voulu lire les Poèmes Saturniens avant de vous remercier de leur envoi. Le critique en moi et le poète se combattent à votre sujet. Du talent, il y en a, et je le salue avant tout. Votre aspiration est élevée, vous ne vous contentez pas de l’inspiration, cette chose fugitive : vous l’avez dit dans votre épilogue, et en paroles qui ne s’oublient pas.

Vous avez, comme paysagiste, des croquis et des effets de nuit tout à fait piquants. Comme tous ceux qui sont dignes de mâcher le laurier, vous visez à faire ce qui n’a pas été fait. C’est bien…