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PAUL VERLAINE

au rempart. Mais il était républicain, bon patriote, tout enflammé de zèle et d’ardeur pour la défense, il se fit inscrire au 160e bataillon de la Rapée-Bercy. Il habitait alors rue du Cardinal-Lemoine, no 2, quartier de la Halle-aux-Vins (Ve arrondissement, Panthéon).

Le bon Paul avait l’âme d’un héros, mais les organes physiques d’un pantouflard, comme on nommait alors, par moquerie, les gardes nationaux sédentaires. Grands joueurs de bouchons devant la Patrie et stratégistes émérites en face de tous les comptoirs, zincs, tables de bois ou de marbre où l’on débitait des boissons, seules denrées alimentaires qu’on pouvait se procurer pendant le Siège, ces soldats-citoyens n’ont pas été sérieusement utilisés. N’étant ni exercés, ni commandés, leur dévouement devait rester sans emploi. Un général habile et hardi les eût entraînés, aguerris, transformés en légionnaires, mais Trochu était le contraire de ce général-là.

Le bataillon de Verlaine était de service dans la région des forts du Sud, entre Issy et Montrouge. Nous ne nous sommes pas vus pendant la guerre, et cependant, après le retour du 13e corps de Mézières, nous n’étions pas loin l’un de l’autre. Mon régiment, le 69e de ligne, devenu 10e de marche, puis 110e d’infanterie, défendait la redoute des Hautes-Bruyères, entre Montrouge et Villejuif. Armé d’un lourd fusil à tabatière, Verlaine monta mélancoliquement la garde, avec une résignation de moins en moins patriotique. Il fut rapidement découragé. Physiquement vite fatigué, aussi ; il se reposait volontiers de ces exercices guerriers, qu’il jugeait superflus, et qu’il trouvait harassants, dans les cantines propices. La défense nationale donnait très soif aux soldats-citoyens. Verlaine fut promptement à la hauteur des forts buveurs du bataillon, où les tonneliers, garçons mar-