Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
PAUL VERLAINE

l’attendre à la sortie de son bureau, vers cinq heures, et nous faisions escale au café d’Orient, vaste établissement avec billards sis en haut de la rue de Clichy. Là, durant l’heure prolongée de l’apéritif, nous causions de tout ce qui nous intéressait, littérature, art, politique. Pendant ces conversations échauffantes, Verlaine s’accoutuma à renouveler la boisson verte placée devant lui. Dès lors, il contracta ce besoin de boire, avec fréquents renouvellements, que le service aux remparts pendant le Siège devait développer, qui fut pour lui, à différentes époques de sa vie, une véritable maladie. Ce goût, cette habitude des liquides, confinant à la dipsomanie, ce fut pour lui une faiblesse morale et cérébrale profonde, une cause de déchéance sociale et même intellectuelle.

Il était entré à la Compagnie d’assurances en attendant son admission dans les bureaux de la Ville. Il avait fait sa demande régulière. Un ami de mon père, M. Tassin, qui était directeur de l’Octroi de Paris, l’avait appuyée. Après avoir passé un examen d’écriture et de comptabilité satisfaisant, exhibé son diplôme de bachelier, et fourni les pièces exigées, il fut admis, en mars 1864, et nommé à un emploi d’expéditionnaire, à la Mairie du neuvième arrondissement, rue Drouot. Il fut attaché au bureau des mariages. Après un certain stage dans cette mairie, il passa à l’administration centrale, et fut envoyé comme expéditionnaire à l’ordonnancement, bureau des Budgets et Comptes.

À l’Hôtel-de-Ville, Verlaine fut assurément un employé très peu zélé, à l’assiduité intermittente. Arrivé à 10 heures et quart, il signait la feuille de présence, jetait un coup d’œil, comme effrayé par l’abondance de la tâche, sur les dossiers amoncelés devant lui, les écartait doucement, puis, abrité par l’échafaudage des car-