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lui ce portrait infiniment plus exact que celui du bâtonnier :

Au quartier latin, il nous étonnait par sa simplicité de vie, en même temps qu’il nous charmait par sa malice débonnaire et sa faconde spirituelle. Sous la Commune, son attitude prit, avec les circonstances, un caractère d’énergie plus accentué. Depuis, la rude expérience, l’iniquité qui brisa sa carrière malgré l’amnistie, les duretés de la vie, n’ont rien pu contre ce caractère. À l’heure présente, spectateur indifférent de l’arène où se griffent les affamés de l’assiette au beurre, il vit tant bien que mal, plutôt mal que bien, mais libre, n’ayant rien perdu de sa foi ardente dans le génie émancipateur de la France, ni de sa seule confiance dans la Révolution sociale. D’une probité sans égale, d’une sincérité inébranlable, d’une rigidité de principes indestructibles, on peut affirmer hardiment qu’il est d’un autre âge.

(Gaston Da Costa. La Commune Vécue, t. Il, p. 247.)

Comme délégué à la Justice, Protot eut à intervenir dans des circonstances particulièrement graves, notamment à l’occasion du décret des otages. Nous examinerons son action alors, quand nous traiterons de cette période sensationnelle de l’histoire communaliste. Il n’eut pas le temps d’accomplir les réformes dans l’ordre judiciaire qu’il préparait. Il était de ceux qui, s’illusionnant sur la force de résistance et sur la durée probable de la Commune, ne voulurent pas comprendre qu’elle n’était que la continuation du Dix-Huit mars, c’est-à-dire une insurrection en cours, une bataille en train, et non un régime établi, à l’existence garantie, où l’on pouvait administrer, réformer et fonder, où la régularité, la légalité devaient être scrupuleusement observées. Aberration grave. Il y avait une place active et utile alors pour le commandant Protot, mais Protot, chef de la magistrature, ne pouvait que se préparer à exercer utilement ses hautes et nécessaires fonctions, après la victoire.