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Il attirait par je ne sais quel attrait, comme le suint attire les fourmis par son odeur rance. Le peuple aimait l’odeur de Chounn. Chaque fois qu’il changea de résidence, le peuple le suivit. Il en résulta que Chounn ne connut jamais la paix. — Eh bien, l’homme transcendant n’est ni veule, ni collant, ni liant. Il déteste la popularité par dessus tout. Il n’est pas familier. Il ne se livre pas. Tout à ses principes supérieurs abstraits, il est bien avec tous, il n’est l’ami de personne. Pour lui, les fourmis ne sont pas assez simples. Il est simple, comme les moutons, comme les poissons. Il tient pour vrai ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il pense. Quand il agit spontanément, son action est droite comme une ligne tirée au cordeau. Quand il est mené par les événements, il s’adapte à leur cours.


L.   Les hommes vrais des temps anciens, se conformaient à l’évolution, et n’intervenaient jamais, par un effort artificiel, dans le cours naturel des choses. Vivants, ils préféraient la vie à la mort ; morts, ils préféraient la mort à la vie. Tout en son temps, comme quand on prend médecine. — Lutter contre le cours des choses, c’est vouloir sa ruine. Ainsi le ministre Wenn-tchoung, en sauvant le royaume de Ue qui devait périr, causa sa propre perte. — Il ne faut pas vouloir donner au hibou meilleur œil, et à la grue des jambes plus courtes. Son lot naturel est ce qui convient le mieux à chacun. — Qui sait tirer parti de ses ressources naturelles s’en tire toujours. Ainsi, quoique le vent et le soleil font évaporer l’eau des fleuves, ceux-ci coulent toujours, parce que les sources, leurs réserves naturelles, alimentent leur cours. — Rien de plus constant, de plus fidèle, que les lois naturelles, comme celle qui veut que l’eau découle des pentes, comme celle qui fait que les corps opaques projettent une ombre. — Que l’homme se garde d’user ce que la nature lui a donné par un usage immodéré excessif. La vue use les yeux, l’ouïe use les oreilles, la pensée use l’esprit, toute activité use l’agent. Et dire que certains sont fiers des abus qu’ils ont commis en cette matière. N’est-ce pas là une illusion funeste ? !


M.   L’homme, dont le corps n’occupe qu’une si petite place sur la terre, atteint par son esprit à travers l’espace jusqu’au ciel. Il connaît la grande unité, son état premier de concentration, la multiplication des êtres, l’évolution universelle, l’immensité du monde, la réalité de tout ce qu’il contient, la fermeté des lois qui le régissent. Au fond de tout est la nature. Dans les profondeurs de la nature est le pivot de tout (le Principe), qui paraît double (yinn et yang) sans l’être réellement, qui est connaissable mais non adéquatement. L’homme arriva à le connaître, à force de le chercher. S’étendant au delà des limites du monde, son esprit atteignit (le Principe) la réalité insaisissable, toujours la même, toujours sans défaut. C’est là son plus