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N’agir que quand on ne peut pas faire autrement, c’est l’action ordonnée. Agir sans y être obligé, c’est ingérence hasardeuse. Savoir et agir doivent marcher de concert.


G.   I était très habile archer (art artificiel), et extrêmement bête de sa nature. Certains sont très sages naturellement, qui n’entendent rien d’aucun art. La nature est la base de tout. — La liberté fait partie de la perfection naturelle. Elle ne se perd pas seulement par l’emprisonnement dans une cage. T’ang encagea I-yinn, en le faisant son cuisinier. Le duc Mou de Ts’inn encagea Pai-li-hi, en lui donnant cinq peaux de bouc[1]. On encage les hommes en leur offrant ce qu’ils aiment. Toute faveur asservit. — La liberté d’esprit exige l’absence d’intérêt. Celui qui a subi le supplice de l’amputation des pieds ne s’attife plus ; car il ne peut plus se faire beau, il n’a plus cet intérêt. Celui qui va être exécuté n’a plus le vertige à n’importe quelle élévation ; car il n’a plus peur de tomber, n’ayant plus l’intérêt de conserver sa vie. — Pour être un homme revenu à l’état de nature, il faut avoir renoncé à l’amitié des hommes, et à tous les petits moyens qui servent à la gagner et à l’entretenir. Il faut être devenu insensible à la vénération et à l’outrage ; se tenir toujours dans l’équilibre naturel. — Il faut être indifférent, avant de faire un effort, avant d’agir ; de sorte que l’effort, l’action, sortant du non-effort, du non-agir, soient naturels. — Pour jouir de la paix, il faut tenir son corps bien en ordre. Pour que les esprits vitaux fonctionnent bien, il faut mettre son cœur bien à l’aise. Pour toujours bien agir, il ne faut sortir de son repos que quand on ne peut pas faire autrement. Voilà la voie des Sages.


Chap. 24. Simplicité.

A.   L’anachorète Su-oukoei ayant été introduit par le lettré Niu-chang auprès du marquis Ou de Wei, celui-ci, lui adressant les paroles d’intérêt exigées par les rites, dit : Vos privations, dans les monts et les bois, vous auront sans doute débilité ; vous n’êtes plus capable de continuer ce genre de vie et cherchez quelque position sociale ; c’est pour cela que vous êtes venu me trouver, n’est-ce pas ? — Nenni ! dit Su-oukoei ; je suis venu pour vous offrir mes condoléances. Si vous continuez à laisser vos passions ravager votre intérieur, votre esprit vital s’usera. Si vous vous décidez à les réprimer, vu l’empire que vous leur avez laissé prendre, vous devrez vous priver beaucoup. Je vous présente mes condoléances, dans l’un et l’autre cas. — Ce discours déplut au marquis, qui regarda Su-oukoei d’un air hautain, et ne lui répondit pas. — Constatant que le marquis n’était pas capable de

  1. Comparez Meng-tzeu, V. I. 7 — V. I. 9.