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du petit-fils de Lao-song, disciple de Tchan-ming, disciple de Nie-hu, disciple de Su-i, disciple de U-neou, disciple de Huan-ming, disciple de San-leao, disciple de Icheu[1].


F.   Tzeu-seu, Tzeu-u, Tzeu-li, Tzeu-lai, causaient ensemble. L’un d’entre eux dit : celui qui penserait comme moi, que tout être est éternel, que la vie et la mort se succèdent, qu’être vivant ou mort sont deux phases du même être, celui là j’en ferais mon ami… Or, les trois autres pensant de même, les quatre hommes rirent tous ensemble et devinrent amis intimes. — Or il advint que Tzeu-u tomba gravement malade. Il était affreusement bossu et contrefait. Tzeu-seu alla le visiter. Respirant péniblement, mais le cœur calme, le mourant lui dit : Bon est l’auteur des titres (le Principe, la Nature), qui m’a fait pour cette fois comme je suis. Je ne me plains pas de lui. Si, quand j’aurai quitté cette forme, il fait de mon bras gauche un coq, je chanterai pour annoncer l’aube. S’il fait de mon bras droit une arbalète, j’abattrai des hiboux. S’il fait de mon tronc une voiture, et y attelle mon esprit transformé en cheval, j’en serai encore satisfait. Chaque être reçoit sa forme en son temps, et la quitte à son heure. Cela étant, pourquoi concevoir de la joie ou de la tristesse dans ces vicissitudes ? Il n’y a pas lieu. Comme disaient les anciens, le fagot est successivement lié et délié[2]. L’être ne se délie ni ne se lie lui-même. Il dépend du ciel, pour la mort et la vie. Moi qui suis un être parmi les êtres, pourquoi me plaindrais-je de mourir ? — Ensuite Tzeu-lai tomba lui aussi malade. La respiration haletante, il était près d’expirer. Sa femme et ses enfants l’entouraient en pleurant. Tzeu-li étant allé le visiter, dit à ces importuns : Taisez-vous ! Sortez ! Ne troublez pas son passage[3] !.. Puis, appuyé contre le montant de la porte, il dit au malade : Bonne est la transformation. Que va-t-elle faire de toi ? Où vas-tu passer ? Deviendras-tu organe d’un rat, ou patte d’un insecte ?.. Peu m’importe, dit le mourant. Dans quelque direction que ses parents l’envoient, l’enfant doit aller. Or le yinn et le yang sont à l’homme plus que ses parents[4]. Quand leur révolution aura amené ma mort, si je ne me soumettais pas volontiers, je serais un rebelle… La grande masse (cosmos) m’a porté durant cette existence, m’a servi pour me faire vivre, m’a consolé dans ma vieillesse, me donne la paix dans le trépas. Bonne elle m’a été dans la vie, bonne elle m’est dans la mort… Supposons un fondeur occupé à brasser son métal en fusion. Si une partie de ce métal, sautant dans le creuset, lui disait : moi je veux devenir un glaive, pas autre chose ! le fondeur trouverait certainement ce métal inconvenant. De même, si, au moment de sa transformation, un mourant criait : je veux redevenir un homme, pas autre chose ! bien sûr que le transformateur le trouverait inconvenant. Le ciel et la terre (le cosmos) sont la grande

  1. Sont-ce là des surnoms d’hommes ? C’est possible, mais pas probable. Ces mots signifient, et peuvent s’interprêter ainsi : Je n’ai pas tiré cette doctrine de mon imagination. Je l’ai découverte, à force de méditer sur le mystère de l’origine.
  2. Comparez chapitre 3. C note.
  3. Lequel exige plutôt le calme, comme l’entrée dans le sommeil.
  4. Les deux alternances de la révolution cosmique, agents supérieurs du Principe, donnant la vie ou la mort tandis que les parents, agents inférieurs, déterminent la vie seulement.