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Le chien de la maison qui l’avait vu sortir en blanc, aboya contre lui quand il rentra en noir. Irrité, Yang-pou allait le battre. Ne le bats pas, lui dit Yang-tchou. Tu as passé du blanc au noir. Comment pouvait-il te reconnaître ? (Morale profonde : Le changement de l’être moral, par exemple du bien au mal, rompt ses rapports habituels avec les autres êtres ; il n’est plus le même.)

V. Yang-tchou dit : quoiqu’il n’en ait pas l’intention, celui qui fait du bien à autrui, s’attire de la réputation, cette réputation lui attire la fortune, et la fortune lui attire des ennemis. Aussi les Sages y regardent-ils à plusieurs fois, avant de faire du bien à autrui.

W. Jadis quelqu’un prétendit avoir la recette pour ne pas mourir. Le prince de Yen envoya un député pour la lui demander. Quand le député arriva, l’homme à la recette était mort. Le prince en voulut au député d’être arrivé trop tard, et allait le faire punir, quand un de ses favoris lui dit : Si cet homme avait vraiment eu la recette pour ne pas mourir, il ne se serait certainement pas privé d’en faire usage pour lui-même. Or il est mort. Donc il n’avait pas la formule. Il ne vous aurait donc pas procuré l’immortalité. ... Le prince renonça à punir le député. — — Un certain Ts’i qui avait aussi grande envie de ne pas mourir, se désola pareillement de la mort de cet homme. Un certain Fou se moqua de lui, disant que, l’homme étant mort, regretter son secret inefficace était agir déraisonnablement. Un certain Hou dit que le Fou avait mal parlé ; car, dit-il, il arrive que celui qui possède un secret, ne sait pas s’en servir ; comme il arrive que quelqu’un produise tel résultat (par hasard ou invention), sans en avoir eu la formule. — Un homme de Wei était incantateur habile. Quand il fut près de mourir, il enseigna ses formules à son fils. Celui-ci récita parfaitement les formules, qui n’eurent aucun effet. Il les enseigna à un autre, qui les récita avec le même effet que feu son père. ... Un vivant ayant pu agir efficacement avec la formule d’un mort, je me demande (dit Lie-tzeu) si les morts ne pourraient pas agir efficacement avec les formules des vivants ? (Mort et vie, deux formes du même être.)

X. Pour le jour de l’an, le peuple de Han-tan offrait des pigeons à Kien-tzeu. Celui-ci les recevait avec plaisir et les payait bien. Un de ses hôtes lui ayant demandé pourquoi. C’est, dit-il, pour montrer, en les lâchant le jour de l’an, combien je suis bon. — L’hôte dit : le peuple les prend, pour que vous puissiez les lâcher. Or, en les prenant, il en tue beaucoup. Si vous vouliez leur vie, vous feriez mieux d’interdire qu’on les prenne. Vous montreriez ainsi bien mieux, combien vous êtes bon. — Vous avez raison, dit Kien-tzeu.

Y. T’ien-cheu de Ts’i ayant fait des offrandes à ses ancêtres, donna un grand banquet à un millier de convives, lesquels apportèrent selon l’usage, chacun son présent. Un des invités offrit des poissons et des oies sauvages. A leur vue, T’ien-cheu soupira pieusement et dit : Voyez comme le ciel traite bien les hommes ; il ne fait pas seulement croître les diverses céréales ; il fait encore naître les poissons et les oiseaux, pour que les hommes en usent. ... Tous les convives firent servilement chorus. Seul le fils de Pao-cheu, un