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guerres, je n’ai besoin que de soldats ; ce lettré qui enseigne la bonté et l’équité, fera tort à mon royaume. ... et il ordonna de lui faire subir le supplice de la castration, puis le renvoya. — Le Mong valeureux s’offrit au marquis de Wei. Celui-ci dit : mon État petit et faible, a de grands et redoutables voisins, auxquels il me faut me garder de déplaire. Il me faut me tenir en paix. Toute apparence de velléité guerrière, pourrait me coûter mon marquisat. Je ne puis pas employer cet habile homme, sans risquer des aventures. D’un autre côté, si je le renvoie sans en avoir fait un invalide, il ira s’offrir à un autre prince et me ruinera. ... Il ordonna donc de lui couper un pied, puis le renvoya. — Quand le vieux Mong eut vu revenir ses deux fils mutilés, se frappant la poitrine de douleur, il alla faire des reproches au père Cheu. Celui-ci lui dit : A l’heure de la fortune, on réussit ; à l’heure de l’infortune, il n’arrive que des malheurs. Vos fils et les miens ont fait les mêmes démarches exactement. Le résultat a été absolument différent. Cela tient uniquement au destin (à l’heure néfaste), et nullement aux procédés employés. La fortune et l’infortune ne sont pas régies par des règles mathématiques. Ce qui réussit hier, ratera aujourd’hui. Ce qui rata aujourd’hui, réussira peut-être demain. Le succès tient à ce que l’on s’y est pris au bon moment, mais il n’y a pas de règles qui permettent de déterminer ce moment. Les plus sages s’y trompent parfois. Même un K’oung-k’iou, un Lu-chang, connurent l’insuccès. — Quand ils eurent reçu ces explications, le Mong et ses fils se rassérénèrent et dirent : merci ! n’en dites pas davantage, nous avons compris.

F. Le duc Wenn de Tsinn ayant décidé une attaque contre Wei, son fils le prince Tch’ou se mit à rire. De quoi riez-vous ? demanda le duc. Je ris, dit le prince, de la mésaventure arrivée à un de mes voisins. Cet homme allait à la ville, pour y accuser sa femme d’infidélité. En chemin, il rencontra une personne qui lui plut, et lui fit des propositions. Un instant après, il reconnut en elle son épouse, et constata qu’il y avait des témoins apostés. On lui avait rendu la monnaie de sa pièce. Cette histoire n’est-elle pas risible ? ... Le duc comprit que son fils l’avertissait qu’on l’attaquerait pendant que lui attaquerait Wei. Il renonça à son expédition, et ramena soudain son armée. Il n’était pas encore revenu à sa capitale, qu’il apprit qu’un ennemi avait de fait déjà envahi sa frontière septentrionale. — Les voleurs pullulaient dans la principauté de Tsinn. Or un certain Hi-Young, doué d’un don de seconde vue particulier, reconnaissait les voleurs à leur figure. Le marquis le chargea de découvrir les voleurs pour son compte, et de fait Hi-Young en fit capturer des centaines. Très satisfait, le marquis dit à Tchao-wenn-tzeu : Un seul homme a presque nettoyé ma principauté des voleurs qui l’infestaient. ... Croyez bien, répondit Tchao-wenn-tzeu, qu’avant d’avoir achevé son nettoyage, cet homme mourra de male mort. ... Et de fait, exaspérés, les voleurs qui restaient se dirent : nous périrons tous, si nous ne nous défaisons pas de ce Hi-Young. ... S’étant donc tous réunis, ils massacrèrent Hi-Young. Quand le marquis l’eut appris, il fut très saisi, appela Tchao-wenn-tzeu et lui dit : ce que vous avez prédit, est arrivé ; Hi-Young a été assassiné ; comment ferai-je maintenant, pour prendre le reste des voleurs ?... Tchao-wenn-tzeu dit : Souvenez-vous de l’adage des Tcheou, vouloir voir les poissons au fond de l’eau est néfaste, vouloir savoir les choses cachées porte malheur. Il ne faut jamais y regarder de trop près. Pour vous défaire