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Hia) et de Tcheou (dernier empereur des Yinn)[1]. Or Chounn fut laboureur à Ho-yang, potier à Lei-tchai, usant ses forces (péché taoïste), privant son ventre, inquiétant ses parents, déplaisant à ses frères et sœurs. A trente ans seulement il se maria, et sans permission. Quand Yao lui céda l’empire, il était vieux et ramolli. Puis, son fils Chang-kiunn étant incapable, il dut céder l’empire à U, et acheva sa vie dans une vieillesse morose ; toutes choses que les hommes qui vivent selon la nature évitent. — Kounn n’ayant pas réussi à faire écouler les eaux, fut mis à mort à U-chan. Son fils U servit celui qui avait ainsi traité son père, au point de ne pas rentrer chez lui pour voir et nommer son fils nouveau-né. Il travailla et peina, au point d’user son corps, au point que ses mains et ses pieds furent tout couverts de callosités. Enfin quand Chounn lui eut cédé l’empire, il brilla médiocrement, et finit dans une vieillesse morose, ce que les hommes qui vivent selon la nature évitent. — Après la mort de l’empereur Ou-wang, durant la jeunesse de l’empereur Tch’eng-wang, Tcheou-koung (le duc de Tcheou, frère du défunt, oncle du successeur) chargé de la régence, ne s’entendit pas avec le duc de Chao, fut fortement critiqué, dut s’éclipser durant trois ans, mit à mort deux de ses frères, eut du mal à conserver sa propre vie, et finit dans une vieillesse morose, ce que les hommes qui vivent selon la nature évitent. — Confucius se dévoua à la tâche d’illustrer les enseignements des anciens empereurs, et de les faire agréer aux princes de son temps. Pour prix de ses efforts, on abattit à Song l’arbre sous lequel il s’abritait, on l’obligea de déguerpir de Wei, on le traqua à Chang de Tcheou, on le bloqua entre Tch’enn et Ts’ai. Il fut vexé par Ki-cheu, outragé par Yang-hou, et finit par s’éteindre dans une vieillesse morose, ce à quoi ceux qui vivent selon la nature échappent. — Ces quatre Sages n’eurent pas, durant leur vie, un seul jour de vrai contentement. Après leur mort, leur réputation grandit d’âge en âge. Ce vain renom posthume est-il une compensation pour les vrais plaisirs dont ils se privèrent durant leur vie ? Maintenant on les loue, on leur fait des offrandes, sans qu’ils en sachent rien, pas plus qu’un soliveau ou une motte de terre. — Tandis que Kie, riche, puissant, savant, redouté, jouit de tous les plaisirs, satisfit tous ses appétits, fut glorieux jusqu’à sa mort, eut tout ce que les hommes qui vivent selon la nature désirent. — Tcheou lui aussi se moqua des rits, et s’amusa jusqu’à sa mort, sort que les hommes qui vivent selon la nature préfèrent. — Ces deux hommes eurent, durant leur vie, tout ce qu’ils voulurent. Maintenant, sans doute, on les appelle sots, méchants, tyrans ; mais qu’est-ce que cela peut leur faire ? ils n’en savent rien, pas plus qu’un soliveau ou une motte de terre. — Les quatre Sages ont souffert tous les maux, sont morts tristement, et n’ont pour toute compensation que leur vaine renommée. Les deux Tyrans ont joui de tous les biens jusqu’à la mort, et ne souffrent pas maintenant de leur mauvaise réputation. (Epicurisme de Yang-tchou.)

  1. TH pages 40, 47, 114, 180, 59, 85.