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Chap. 5. Le continu cosmique.

A. L’empereur T’ang de la dynastie Yinn (d’abord Chang ; TH page 67) demanda à Hia-ko : Jadis, tout au commencement, y eut-il des êtres ? — Hia-ko dit : S’il n’y en avait pas eu, comment y en aurait-il maintenant ? Si nous doutions qu’il y en ait eu jadis, les hommes futurs pourraient douter qu’il y en ait eu maintenant (notre présent devant être un jour leur passé), ce qui serait absurde. — Alors, dit T’ang, dans le temps, y a-t-il division ou continuité ? qu’est-ce qui détermine l’antériorité et la postériorité ? — Hia-ko dit : On parle, depuis l’origine, de fins et de commencements d’êtres. Au fond, y a-t-il vraiment commencement et fin, ou transition successive continue, qui peut le savoir ? Étant extérieur aux autres êtres, et antérieur à mes propres états futurs, comment puis-je savoir (si les fins, les morts, sont des cessations ou des transformations) ? — En tout cas, dit T’ang, selon vous le temps est infini. Que tenez-vous de l’espace ? Est-il également infini ? — Je n’en sais rien, dit Hia-ko. — T’ang insistant, Hia-ko dit : Le vide est infini, car au vide on ne peut pas ajouter un vide ; mais comme, aux êtres existants, on peut ajouter des êtres, le cosmos est-il fini ou infini, je n’en sais rien. — T’ang reprit : Y a-t-il quelque chose en dehors des quatre mers (de l’espace terrestre connu) ? — Hia-ko dit : Je suis allé à l’est jusqu’à Ying, et j’ai demandé, au delà qu’y a-t-il ? On m’a répondu, au delà, c’est comme en deçà… Puis je suis allé vers l’ouest jusqu’à Pinn, et j’ai demandé, au delà qu’y a-t-il ? On m’a répondu, au delà, c’est comme en deçà… J’ai conclu de cette expérience, que les termes, quatre mers, quatre régions, quatre pôles, ne sont peut-être pas absolus. Car enfin, en ajoutant toujours, on arrive à une valeur infinie. Si notre cosmos (ciel-terre) est fini, n’est-il pas continué sans fin par d’autres cosmos (ciel-terre) limitrophes ? Qui sait si notre monde (ciel-terre) est plus qu’une unité dans l’infinité ? — Jadis Niu-wa-cheu (TH page 24) ferma avec des pierres des cinq couleurs, la fente qui subsistait à l’horizon entre le pourtour de la calotte céleste et le plateau terrestre (délimitant ainsi ce monde). Il immobilisa la tortue (qui porte la terre), en lui coupant les quatre pattes, rendant ainsi fixe la position des quatre pôles (points cardinaux). Ainsi tout, dans ce monde, fut en équilibre stable. Mais plus tard, dans sa lutte contre l’empereur Tchoan-hu, Koung-koung-cheu brisa Pou-tcheou-chan la colonne céleste (du nord-ouest), et rompit les attaches de la terre (avec le firmament au sud-est). Il s’ensuivit que le ciel s’inclina vers le nord-ouest, et que la terre baissa en pente vers le sud-est. Depuis lors, le soleil, la lune, les constellations, glissent toutes vers l’ouest (leur coucher) ; tous les fleuves (de la Chine) coulent vers l’est.

B. T’ang demanda encore : Les êtres sont-ils naturellement grands ou petits, longs ou courts, semblables ou différents ?…. Mais, continuant son développement, Hia-ko dit : Très loin à l’est (sud-est) de la mer de Chine, (à l’endroit où le ciel est décollé de la terre), est un abîme immense, sans fond, qui s’appelle la confluent universel, où toutes les eaux de la terre, et