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Bourdon, mais je peux me flatter que ces insectes-là, je sais les comprendre.

Assis entre Aurélie et Mlle Perronneau, M. Gavel faisait à celle-ci des compliments exagérés, non sans mesure, toutefois, car elle était trop avisée pour se laisser berner facilement. Sans être précisément laide (elle était âgée de dix-neuf ans), cette fille avait les traits rades et les yeux hardis, ce qui ne l’empêchait point de minauder et de faire volontiers l’ingénue. Elle était habillée en demoiselle, sauf la coiffure du pays que son père lui détendait de quitter, et sur sa robe de soie ses doigts chargés de bagues jouaient avec une chaîne d’or.

— Vous vous moquez de moi, disait-elle à M. Gavel, — quoiqu’elle n’en crût rien, — vous vous moquez de moi, parce que je ne suis pas une demoiselle ; mais je suis du bois dont on fait les dames, et j’en serai une quelque jour.

— Voilà d’excellentes intentions, dit M. Gavel ; me permettez-vous de les communiquer à quelqu’un ?

— Pourquoi pas ? répondit-elle.

— À propos, m’sieur Bourdon, dit Perronneau, je peux vous donner des nouvelles de vos enfants. J’en ai reçu par leur conisciple, comme dit Sylvestre. Eh bien ! tout ça se porte bien, et ils se réjouissent tous trois de venir dans quinze jours, à Pâques. M. Émile va bien, et M. Jules aussi. Sylvestre m’a-t-écrit une lettre fameusement jolie, au moins. C’est pas parce que c’est mon fils, mais vrai, c’est gentil. Dam ! il fait bien d’apprendre, car il me coûte assez cher pour ça, depuis quatre ans qu’il est au collége. Et c’est qu’il me faut tout payer, moi, m’sieur Bourdon. C’est pas comme votre fils Jules qui a-t-une bourse. Moi, qui n’ai pas le bras long, comm’ vous, da ! je l’ai tant seulement pas demandée.

— Mais ni moi non plus, dit M. Bourdon évidemment contrarié, je ne l’ai pas demandée plus que vous, mon