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pavés creux des nefs, ou que la neige, finement tamisée, blanchit les fidèles agenouillés. Mais heureusement tous les notables de la commune ont pu ranger leurs bancs sous la voûte.

Mmes Bertin venaient de se placer dans le leur, quand un mouvement de la foule attira leurs regards vers la porte de l’église. La famille Bourdon entrait, accompagnée d’un jeune homme dont la présence inattendue excitait cette curiosité. Clarisse et Lucie n’avaient pas encore rencontré M. Gavel, mais elles ne doutèrent pas que ce ne fût lui, et leurs yeux avides se fixèrent devant elles à la place où il allait passer. Bientôt l’harmonieux froissement de deux robes de soie se fit entendre, et derrière Mmes Bourdon, près de leur oncle, Lucie et Clarisse aperçurent le prétendu de leur cousine.

D’un mouvement pareil, après qu’il eut passé, les deux jeunes filles baissèrent la tête, comme pour s’absorber dans la prière. À l’aspect de ce jeune homme beau comme un héros de roman, fier, élégant, et qui réalisa tout à coup devant elles un idéal supérieur à celui qu’elles avaient rêvé, plus le bonheur d’Aurélie leur parut grand, plus leur misère leur sembla profonde. Ainsi recueillies en apparence, durant tout l’office elles ne s’occupèrent que d’apaiser leur agitation intérieure, en cherchant, selon l’idée chrétienne, à se détacher de la terre.

Elles s’y efforçaient naïvement, sans songer que les ascètes au désert avaient encore à combattre, et qu’elles, pauvres filles, plongées dans un village au milieu des plus petites misères de la civilisation, elles devaient lutter non-seulement contre leurs aspirations les plus légitimes, mais aussi contre la pression constante de l’exemple et de l’opinion.

Par un accord tacite, Mmes Bertin restèrent dans l’église jusqu’après le départ de la famille Bourdon, et ne répon-