Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/484

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la narratrice avait commencé à s’altérer, à la fin les deux amies s’embrassaient en sanglotant.

— Merci, dit Lucie avec chaleur, merci de m’avoir révélé cela : car il semblait satisfait près de moi. Mais je le comprends à présent et j’aurais dû le deviner. N’ayant que le travail à partager avec moi, il craint de me forcer à une vie trop rude, peut-être songe-t-il aussi au courage qu’il me faudra pour affronter l’opinion publique le jour de notre mariage, et c’est pourquoi il se tait, mon cher et noble ami ! Ah ! Gène, que je suis heureuse de l’aimer ! Va, je serais bien lâche si je regrettais les peines qu’on me fait à cause de lui !

— D’ailleurs, dit la jeune paysanne, en essuyant ses larmes, ce qu’on a à dire est tout dit, allez, et s’ils en trouvaient davantage, les gens seraient bien habiles. Depuis que Michel est reçu chez vous, les caquetages ont recommencé de plus belle : croyez-vous point que la vieille Boc s’en gène, quoiqu’elle ait l’air à présent d’être votre amie ? Pas du tout. Il n’y a qu’un moyen pour que ça finisse, mam’zelle Lucie, et ce moyen, c’est de vous marier.

— Comme tu parles d’or à présent, ma petite Gêne ! dit Mlle Bertin en s’asseyant avec son amie sur le banc des lilas.

— Que voulez-vous ? D’abord j’avais de sottes idées : je vous aimais tant qu’il me semblait que vous deviez épouser un seigneur tout au moins. Mais depuis, j’ai bien vu que vous aviez raison, et que Michel n’est pas un paysan comme un autre.

— Mais moi aussi, je ne suis pas tout à fait comme une autre, dit naïvement Lucie. Je te parle, chère amie, comme à moi-même. J’ai vu beaucoup de femmes qui ont moins de raison et de bonne volonté que moi, et c’est pourquoi je me sens digne de Michel. Pour le mariage, qui doit être avant tout l’union des cœurs et des carac-