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de telles circonstances, à la campagne, que la sensibilité bourgeoise éclate à l’envi. On peut bien accabler de haines, de calomnies et de tourments quelqu’un pendant sa vie ; mais il ne doit pas mourir sans faire couler vos larmes et sans vous fournir les émotions pathétiques d’une réconciliation dont on parlera. C’est alors qu’apparaît la charité chrétienne avec tout un cortége de soupirs, d’yeux mouillés, d’exclamations pieuses, de démarches touchantes et d’applaudissements. Mlle Boc, dès le lendemain, apporta sous son châle pour Clarisse un pain de Savoie qui fit le tour du pays.

Pendant quelques jours il y eut des alternatives continuelles. Tantôt la malade semblait près d’expirer ; tantôt la couleur lui revenait, et s’asseyant sur son lit, elle demandait à manger. Mme Bertin, qui depuis longtemps savait que sa fille était condamnée, implorait à mains jointes M. Jaccarty pour qu’il la sauvât par des remèdes. Un jour qu’un vésicatoire parut nécessaire, on l’envoya chercher à Gonesse par Michel, qui seul aux environs se trouva disponible. Car malgré les demandes qu’on lui adressait de toutes parts pour qu’il allât en journée, Michel restait obstinément chez lui depuis quelques jours, afin d’être à portée de secourir les Bertin à l’occasion. Il travaillait pendant ce temps sur son propre terrain, et souvent, quand il croyait n’être pas vu, il travaillait aussi au jardin de M. Bertin, l’ensemençant à sa guise, sans que personne parût s’en occuper. Une fois, M. Bertin vint au jardin pendant que Michel bêchait, mais il ne dit rien autre chose que lui souhaiter le bonjour. Quelquefois Lucie, le soir, allait au bosquet passer quelques instants. Alors, la tenant embrassée, Michel pleurait, se désespérant de la voir si pâle et de ne pouvoir lui venir en aide.

Le 1er  mai, Clarisse tomba pendant plusieurs heures