Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/459

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Elle s’éloigna rapidement, et quand Bourguignon ne put la voir, elle se mit à courir. Bien qu’elle eût déjà beaucoup marché, elle ne sentait pas la fatigue, et son cœur bondissait comme un enfant joyeux. Elle allait revoir enfin sa chère maison, ses bons parents, et lui, lui, Michel ! Ah ! quel étonnement il aurait ! quel bonheur ! Si elle allait le rencontrer ?… Non ! sa joie serait trop vive et trop éclatante ! Hélas ! comment les joies humaines sont elles forcées de se cacher aux hommes !

Elle arrivait à l’angle du cimetière, en face de la maison de Françoise, quand elle entendit un pas à sa gauche. Ce pas, elle le connaissait bien ! Elle s’arrêta, le cœur palpitant. Celui qui venait, quand il fut en face d’elle, s’arrêta aussi. Au travers de l’ombre, il distinguait sans doute que cette forme n’était pas celle d’une paysanne.

— Michel ! murmura-t-elle si bas que l’air à peine en fut ébranlé.

Mais cependant il jeta un grand cri, et, la prenant dans ses bras avec un mélange de terreur et d’ivresse, il l’étreignit comme s’il eût douté de sa réalité.

— C’est bien vous, ma Lucie ! lui disait-il, quand tout à coup un jet vif de lumière brilla, et l’on entendit la voix de la mère Françoise, qui venait d’ouvrir sa porte.

— Est-ce toi, Michel ? n’as-tu pas crié ?

— Oui, mère, s’écria-t-il en se précipitant vers elle, j’ai pris peur follement pour une chèvre blanche qui s’est venue donner contre moi.

— Rentre, Michel, rentre vite, mon gars, si c’était le malin ?

— Non point, mère, je l’ai reconnue, c’est la chèvre à Gauchet. Elle se sera écartée, et je vas l’attraper pour la leur rendre.

— Allons ! allons ! à ton idée, mais prends garde au moins !