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celui de la coquetterie, et je ne puis pas y être coquette, moi, puisque vous n’y êtes pas.

« À présent, je crois connaître suffisamment le monde où je suis, quoiqu’il me fallût des années pour devenir une femme du monde savante dans l’art de causer et d’agir. Eh bien, c’est, à mon avis, Michel, un beau cadre contenant un triste tableau, un édifice aux portes superbes avec un intérieur délabré. On s’épuise à mettre de la grandeur dans les apparences, et en même temps on s’étouffe soi-même sous un tas de petits soins, de petits préceptes, de petites réserves et de grandes gênes, tant qu’à la fin on se trouve tout garrotté. Quant aux plaisirs, je vous le répète, ils manquent d’intérêt pour moi. Un seul m’amuserait beaucoup, c’est le spectacle, mais les principes d’Aurélie le lui permettent rarement.

« J’écris souvent avec instance à mes parents de me rappeler près d’eux ; mais ils ne semblent pas m’entendre. Ma mère me répond : Tu n’as donc pas encore rencontré celui qui doit fixer ton choix ? Ah ! Michel ! s’ils veulent attendre que je l’aie trouvé ici…

« Je vous ai parlé d’un jeune homme qui dansait beaucoup avec moi. Ma froideur et quelques paroles assez claires que je lui ai dites pour le décourager, semblaient produire un effet contraire, et comme il paraissait décidément très-amoureux, son père vient de l’envoyer passer l’hiver à Paris. Maintenant qu’il est parti, peut-être consentira-t-on à mon départ, car vous savez, pauvre ami, le désir de me marier possède ma famille, et chaque fois que mon oncle Bourdon vient ici, les questions qu’il fait devant moi sur mes succès dans le monde m’impatientent et m’humilient. Quand serai-je à Chavagny !

« Des répugnances encore plus graves me rendent mon séjour ici de plus en plus odieux. D’abord Aurélie est aussi désagréable pour moi qu’elle peut se permettre de