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Après avoir passé toute la soirée à savourer cette lettre, Michel passa toute la nuit à épancher sur le papier sa joie et son amour. Les jours suivants, comme le temps ne permettait pas le travail au dehors, il s’enferma de nouveau dans sa chambre pour lire et écrire tour à tour, continuant, en l’absence de sa chère institutrice, à s’instruire de son mieux. Tout cela affligeait grandement la mère Françoise, car avait-on jamais rien vu de pareil ?

On entrait en février quand le bruit courut dans Chavagny que Mlle Lucie allait épouser un monsieur de Poitiers. La nouvelle était sûre ; elle venait de chez les Bourdon, par Mlle Boc, et M. Bertin lui-même s’en était vanté. En parler devant Michel fut une joie que se donna la Chérie Perronneau, comme il était chez elle en journée, Michel ne douta pas et fit bonne contenance ; pourtant il s’en revenait triste, quand, passant au sentier derrière chez Bourguignon, il se sentit frapper sur l’épaule.

— Ah ! c’est toi, Cadet.

— Parguié ! Je t’attends là depuis une demi-heure. Gène m’a donné ça pour toi.

C’était une longue lettre de Lucie. Elle contenait ce passage :

« Voici bientôt un mois que je suis ici, et l’ennui que j’éprouve devient si profond de plus en plus, qu’aussitôt que je suis seule je ne puis m’empêcher de pleurer. Je suis plus lasse que je ne pourrais l’exprimer de m’habiller deux ou trois fois par jour, de recevoir et de faire des visites, d’aller en soirée, d’entendre toujours à peu près les mêmes choses, et de passer enfin ma vie à perdre mon temps, ce qui est, Michel, je vous l’assure, la seule occupation de toutes les femmes et même de beaucoup des hommes qui m’entourent. Le bal ne m’amuse plus du tout. Le seul intérêt soutenu qu’on y puisse prendre est