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que, par moments, j’ai souci malgré moi, quand je suis loin de vous, en pensant que vous pourriez un jour avoir quelque regret.

— Avec ces doutes, Michel, vous souffrirez trop pendant mon absence.

— Non, non, va ! Je sais souffrir et attendre. Et puis, vous m’écrirez…

Elle consentit donc au voyage, et fit ses préparatifs. Ce n’était pour elle qu’un temps à passer et une épreuve à subir ; mais pour ses parents, ce fut presque un terme à atteindre comme celui de la béatitude éternelle, après quoi tous les maux devaient être conjurés. On vendit l’argenterie, à condition qu’elle pourrait encore être rachetée dans trois mois ; et, pour mettre un peu d’argent dans la poche de Lucie, en même temps que pour acheter du blé, et boucher un nouveau déficit de leurs finances, Mme Bertin fit, aux mêmes conditions, le sacrifice de sa bague de diamants, une jarretière de cent francs, dont cependant elle aurait cru ne jamais se séparer. Mais un avenir prochain n’allait-il pas réparer les injures de la fortune ? Lucie bien souvent surprit les yeux de sa mère attachés sur elle avec une complaisance remplie de secret espoir. Cette phrase un jour échappait même à Mme Bertin : Quand tu seras une belle dame… Et une fois qu’elle assistait à une fête somptueuse dans les salons de sa fille, il lui arriva de se retourner pour admirer le chatoiement de sa robe de soie. Malheureusement ses regards ne tombaient alors que sur une robe d’indienne décolorée, et semée d’autant de reprises qu’il y a de fleurs dans un pré à la Saint-Jean.

Mme Bertin n’oublia pas de donner beaucoup d’instructions à Lucie sur la manière de se tenir en société. Elle lui enseigna la révérence en trois temps, lui défendit de valser, lui dicta quelques phrases dignes et vertueuses à répondre en cas d’une déclaration, et la pria de relire soi-