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— Oui, à moins que ma femme ne se puisse passer de Lucie ; car notre pauvre Clarisse est si exigeante !

— Il ne s’agit pas de cela, dit M. Bourdon d’un ton impératif. Il ne s’agit pas de sacrifier Lucie à Clarisse, mais de les soigner toutes deux. Or, tu sais que ta fille cadette, elle aussi, est malade à sa manière. Elle a besoin de changer d’air, et l’année prochaine il serait trop tard. Crois-moi, mon vieux ! ajouta-t-il en serrant la main de M. Bertin.

— Eh bien, oui, tu as raison, et je te remercie, mon cher, de tout mon cœur. Tu es un excellent parent. J’annoncerai la chose à ces dames ce soir.

— Certainement, ce sont de bons parents ! disait le lendemain à la Touron Mlle Boc. D’abord, tous les dimanches de la vie, M. Bertin emporte une bouteille de vin et des gâteaux le soir, après dîner. Vous savez tous les cadeaux qu’ils ont eus pour le mariage de Mme Gavel ; eh bien ! M. Bourdon va encore acheter une toilette de bal tout entière pour envoyer Lucie danser à Poitiers. On veut tâcher de l’établir, voyez-vous. Et quand même on n’y réussirait pas, ça lui fera toujours connaître le monde, et ça lui changera les idées. Elle en a bien besoin, la pauvre enfant !

— Seigneur ! mam’zelle ; je crois bien ! puisque… voyez-vous… c’est pas pour le dire au moins… mais enfin… on ne le croirait pas, si on ne l’avait vu… puisqu’enfin… il monte la nuit par sa fenêtre !…

— Touronne ! Touronne, s’écria Mlle Boc, si agitée, qu’en se relevant toute droite elle fit tomber à terre son peloton de laine et ses lunettes, taisez-vous ! et ne dites jamais des choses pareilles devant moi ! Grand Dieu du ciel ! une demoiselle comme il faut ! ça n’est pas possible ! je n’y crois pas ! dites-moi que la lune vient de tomber de là-haut, à la bonne heure !…