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Quand elle lui eut appris le motif de ses veilles, frappé de douleur, il se tut, puis il la supplia de se coucher tout de suite ; et quand elle le lui eut promis, il s’en alla bien vite. Le lendemain, en ouvrant sa fenêtre, Lucie trouva trente francs dans un papier sur lequel était écrit :

« À ma Lucie, de la part de son mari. »

Deux larmes d’amour brillèrent dans ses yeux, qui se tournèrent vers la maison de Michel. On était aux derniers jours d’octobre, et l’abondante rosée des nuits, cristallisée, couvrait la terre d’une couche argentée. À travers les rameaux dépouillés des lilas, elle vit s’ouvrir la porte de la petite maison et Michel en sortir, la bêche sur l’épaule. Comme son attitude est noble ! Que son pas est grave et majestueux ! C’est l’homme de cœur et de travail qui est le roi de la nature. Désormais, pour dérober ses veilles à Michel aussi bien qu’à sa mère, Lucie veilla dans une autre chambre donnant sur la cour. Touron prétendit y avoir vu quelquefois deux ombres.

Ce propos, ou quelque autre, arriva-t-il aux oreilles des Bourdon ? Peut-être. Un jour du commencement de décembre, M. Bourdon prit à part son cousin Bertin, qui, seul depuis un mois, venait au dîner du dimanche, et l’avertit qu’il était temps de songer à envoyer Lucie passer la saison à Poitiers. Les bals s’ouvraient dans un mois ; il n’était pas trop tôt pour se préparer.

— Mon cher, je le voudrais, dit M. Bertin, et tu sais bien que je t’ai parlé de ça le premier ; mais, vois-tu, nous sommes trop à sec cette année pour pouvoir seulement acheter un bout de ruban, quand notre pauvre malade n’a pas ce qu’il lui faut.

— Je me chargerai de la dépense, dit M. Bourdon. Une robe de tulle et quelques brimborions ne sont pas une affaire. Aurélie fera les emplettes. Ainsi donc, c’est convenu.