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elle déconcerta ce triste fanfaron par un sourire. Pauvre garçon ! se dit-elle. Et dans toute la ferveur de son âme, elle ajouta : Oh ! mon cher Michel !

Elle était là comme une étrangère ; mais sa froide réserve lui fut un charme aux yeux de ceux qui l’entouraient ; car rien n’attire l’estime des hommes, jouets éternels des passions grandes ou petites, comme d’être calme ou indifférent. On proclama que Lucie était très-distinguée, et Mme Bourdon eut à subir les éloges qu’on lui fit de sa nièce, éloges qu’elle recevait en disant :

— Oui, c’est une charmante personne, très-originale dans ses goûts et dans ses idées.

— Vraiment ! répondait-on alors, en regardant Lucie d’un air désappointé.

Mme Delbès, la sœur de M. Gavel, était une jeune personne de vingt-trois ans, femme du procureur du roi de Poitiers. Elle avait de doux yeux, la démarche ondoyante et l’air languissant. Elle s’éprit de Lucie, qui, touchée de sa grâce, l’accueillit volontiers. Dans leurs conversations, souvent interrompues, elles s’interrogèrent mutuellement, se racontant l’une à l’autre la ville et la campagne, le monde et la nature. Mme Delbès avait une sensibilité langoureuse, pleine d’aspirations ; elle se plaignait du manque de sincérité dans les relations sociales, et de la fatigue de n’être point à soi.

On dansa le soir jusqu’à minuit. Lucie ne cessait de regarder si elle apercevait derrière les vitres, parmi le rempart de têtes ébaubies et blafardes qui s’y collaient, la figure de Michel. Mais elle ne le vit point. Elle se disait avec satisfaction : Au milieu du monde, je suis toujours à lui.

Depuis longtemps Clarisse n’avait été si vive et si forte, mais de retour chez elle, à peine couchée, une fièvre ardente la saisit. Cependant, malgré les prières de sa