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qui n’en fait point n’est jamais trop pauvre. Et feu mon mari pensait tout de même ; aussi, jamais tire-paillasse (huissier) n’a mis le pied chez nous.

— Comme vous dites, répliqua la voisine, ils croient pourtant bien que vous ne les valez point ; et ça n’empêchera M. Bertin de dire pis que pendre de votre enfant, à cause qu’il est trop beau garçon, dà, et qu’il donne dans l’œil même aux demoiselles.

— Pour ça, reprit la Françoise, c’est des menteries. Michel n’est pas si sot que d’aller s’en prendre à une demoiselle, quand il ne manque point de jolies filles par chez nous. Il ne m’a pas parlé d’elle tant seulement une fois. Sait-on pas que le M. Bertin a la tête un petit fêlée ? Et il faut que ça soit pour qu’il ait tant clabaudé sur sa propre fille. Aussi, je m’embarrasse guère de ce qu’il dit. Mais ce que j’ai sus le cœur, c’est qu’il ait bouché le passage qui va de chez nous chez eux. Une chose qui ne s’était pas vue depuis plus de vingt ans !

— Dame ! c’est pour empêcher vot’enfant d’aller voir mam’zelle Lucie, comme si on ne savait pas qu’un jeune gars trouve toujours son chemin, quand même ça serait par-dessus les buissons.

— Quand je vous dis que c’est des menteries ! Michel a trop d’idée pour ça. Un paysan faire l’amour à une demoiselle ! Ça ne s’est jamais vu, et pour sûr, ça n’est pas dans not’famille que ça se verra.

La vente aux enchères, faite huit jours après, de la moisson de M. Bertin, produisit seulement 189 francs, et fut adjugée au même acquéreur qui en avait promis 220 avant la saisie.

Les frais s’élevant à la somme de 30 francs, c’était 225 francs que la famille Bertin devait encore à Mourillon. Comme il menaçait d’une saisie nouvelle sur le mobilier, on prit un parti héroïque ; ce fut de mettre en