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n’en savait rien. Mais elle s’enveloppait dans son amour et dans sa constance pour traverser l’orage, quelles qu’en fussent la durée et l’intensité.

Grâce à la querelle de M. Bertin avec Gorin, cette histoire de famille était devenue un scandale public. Lucie lut une insultante curiosité sur les visages de ceux qui l’abordèrent ; mais elle en souffrit moins qu’elle ne l’avait cru d’abord. Tout ce qu’il y avait de place dans son cœur pour le chagrin était suffisamment rempli par la douleur de ses parents. Et du reste, heureuse d’aimer, aimée et honorée par celui qu’elle aimait, elle pouvait prendre son parti de la réprobation du monde. Le besoin de l’approbation d’autrui, dans une société si diverse en ses jugements, doit se borner à l’approbation d’une coterie ; un seul être, le meilleur à notre avis peut donc, en vertu de ce principe, représenter pour nous l’humanité tout entière, et c’est ce qui arrive inévitablement dans ces amours condamnés par le monde.

Au milieu des étonnements, des risées et des clabauderies soulevés dans Chavagny par l’amour de Mlle Bertin pour un paysan, tandis qu’on relevait tous les indices, qu’on épuisait toutes les preuves, qu’on creusait tous les détails, on ne pouvait oublier ce témoignage éclatant d’estime et d’affection donné à Michel par Lucie, dans la cour du logis, le jour où Michel avait fait au futur gendre de M. Bourdon l’affront de lui refuser sa main. Toujours avertie de tout ce qui se passait et irritée contre Lucie, Mlle Boc ne manqua pas de porter ce méfait à la connaissance des Bourdon. Ce fut l’occasion d’un nouvel orage contre la pauvre fille. Au courroux de son père, qui déjà commençait à se calmer, vinrent se joindre la colère de son oncle, son mépris, ses conseils absolus. Il offrit de payer la pension de Lucie dans un couvent, et ce ne fut qu’à la répulsion de M. Bertin pour ces établissements, où il crai-