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était auprès d’elles d’autant plus galant et plus empressé qu’elles étaient plus jolies. Fille d’un président de chambre de Poitiers, Mme Bourdon avait apporté à son mari, outre une belle dot, l’assurance d’un riche héritage. Ainsi que les Bertin, ils avaient trois enfants, Émile, Aurélie et Jules. Peu boudeur de sa nature, surtout contre ses intérêts, M. Bourdon, en cette année 1845, briguait ouvertement pour son fils aîné les faveurs de la maison d’Orléans.

Il était déjà question dans le public, mais vaguement, du mariage de Mlle Aurélie avec l’ingénieur, quand celui-ci passa triomphalement sur la grand’place de Chavagny, conduisant dans sa voiture Mme et Mme Bourdon.

Ce fut un événement. Beaucoup de gens se précipitèrent aux portes et beaucoup aux fenêtres. Mais où ce fait causa le plus d’émoi, ce fut dans la petite maison aux rideaux blancs et aux contrevents verts, chez Mlle Boc, fille sexagénaire, qui tenait le bureau de tabac. Au roulement de la voiture, son jaune visage et son bonnet blanc se collèrent incontinent aux vitres de sa fenêtre, mais par malheur elle n’avait pas ses lunettes.

— Francille, viens vite voir qui passe dans cette voiture, cria-t-elle en s’adressant à une petite chambrière de douze ans, occupée à tricoter dans un coin de la chambre.

— M’est avis, dit l’enfant — car la voiture disparaissait déjà — que c’est l’ingénieur avec mam’zelle Aurélie et M. et Mme Bourdon.

— Imbécile que tu es ! Ça n’est pas possible.

— Pardi si, puisque je l’ai vu.

— Prends vite tes sabots et cours au logis. Tu demanderas des œufs et tu parleras à la Mariton. Et fais attention de savoir qui était dans la voiture, sans quoi tu mangeras ton pain sec.

La petite Francille enfonça d’un coup de poing sur ses