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Venez ici demain soir, à la nuit tombante, poursuivit-elle en montrant le bosquet ; nous causerons de tout cela.

Il poussa une vive exclamation de joie, mais il s’arrêta, n’osant montrer toute l’étendue de son bonheur.

Ils restèrent un moment sans se rien dire. Lucie fit un pas enfin, en disant :

— Adieu !

— Non ! au revoir ! s’écria-t-il avec transport. Ah ! que je vous ai… Ah ! que vous êtes bonne ! mam’zelle Lucie ! Ah ! vous ne saurez jamais tout ce que mon cœur me dit de vous.

— Au revoir ! reprit-elle en rougissant.

Il la suivit jusqu’à la haie, et quand elle eut passé, en lui laissant pour adieu un doux sourire et un doux regard, il resta encore à cette place jusqu’à ce qu’elle eût quitté le jardin. Alors il se remit au travail, et pendant quelques instants sa pioche broya le sol. Mais, soudain, la repoussant, il s’alla jeter au bord de la haie, sur l’herbe, parmi les pâquerettes et les véroniques, et il y resta longtemps, la tête dans ses mains, agité, murmurant par moments des paroles confuses, ou poussant tout à coup de sourdes exclamations.

Mlle Bertin, elle aussi, eût éprouvé le besoin d’être seule. Elle avait comme les yeux pleins de clartés qui l’éblouissaient, et en elle un mouvement si tumultueux de sentiments et de pensées qu’elle en était étourdie. Elle eût voulu pouvoir causer avec elle-même longuement et profondément. Mais il fallut qu’elle restât avec ses parents et qu’elle s’entretînt avec eux de sa visite chez les Bourdon. Elle dit que Mlle de Parmaillan allait se faire religieuse.

Cette nouvelle excita de vives réclamations.

— Ce n’est pas possible ! disait M. Bertin, une demoiselle qui monte à cheval comme un homme ! Elle n’a pas plus de vocation que moi !