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des uns et des autres, vous boirez de l’eau claire à la fin de vos jours.

— Puisque cette vie-là vous plaît, mon cher monsieur.

— Oh ! c’est pas qu’on ne s’ennuie pas quelquefois, allez ! Toujours tout seul, comme un n’hibou, avec ma vieille patraque de Jeanne ; ça n’est pas couleur de rose. Ma foi, non, une petite femme gentille et agréable, comme ça, le soir, on y songe entre temps.

— En effet, monsieur Gorin, les tendres émotions du foyer domestique sont la plus douce récréation d’une âme sensible…

— Non pas les domestiques, m’ame Bertin, non pas, sacrebleu ! C’est l’extermination de la paix tout au contraire. Fainéants comme des chiens ! gourmands comme des canards ! Une drôle de récréation, voyez-vous. Pour celle-là, j’en ai par-dessus la tête.

La conversation se continua de la sorte pendant une demi-heure environ, après quoi Gorin prit congé, en promettant son retour.

— Il est venu pour une de vous, dit Mme Bertin à ses filles. Hélas ! pourquoi faut-il qu’il ait si peu d’agréments ? Voilà pourtant, mes chères filles, tout ce que le sort peut vous offrir dans ce désert.

— Oh maman ! s’écrièrent-elles en se récriant à la fois.

Cependant, le reste de la journée, Clarisse ne fit que plaisanter sur ce sujet. Il y avait longtemps qu’elle n’avait été de si bonne humeur. Elle n’eût pas accepté Gorin ; mais la vue d’un prétendant, quel qu’il fût, retrempait ses espérances.

La santé de cette pauvre fille offrait des variations continuelles. Aujourd’hui languissante et décolorée, geignante et sans appétit ; le lendemain vivante, animée, pleine alors de fantaisies, de caprices, de désirs, qui par leur déception la jetaient dans les larmes, et lui causaient