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sortir, et j’en suis bien aise, car elles vivent à la campagne un peu trop comme à la ville, craignant toujours le froid ou le chaud, le grand air ou le soleil. Il faudra vous joindre à moi, Gavel, pour activer ces paresseuses. Eh ! mais nous pouvons les rejoindre, elles viennent de ce côté.

— Quelle est donc cette jeune personne qui vient de les quitter et qui semble, elle, si peu frileuse, car elle est sans châle et sans chapeau !

— Oh ! celle-là, c’est une vraie campagnarde, une bonne et jolie fille, Lucie Bertin, ma nièce à la mode de Bretagne. On vous a parlé de cette famille.

— Oui, et j’ai fait connaissance avec M. Gustave Bertin chez M. Émile, à Poitiers. Mais, comme elle court, votre nièce ! ne semble-t-elle pas une biche à travers prés ? Bon ! la voilà qui passe au travers d’une haie, et qui saute un fossé, ma foi !

— Elle retourne chez elle, à cette maison que vous voyez là-bas en dehors du village. Sans doute elle vient de reconduire ma femme et ma fille qui sortent de chez elle, et qui n’auront pas voulu revenir par Chavagny. Avançons un peu jusqu’à la barrière du pré ; c’est là que madame Bourdon et Aurélie viendront certainement aboutir, car, plutôt que de sauter un fossé comme Lucie, elles feraient bien une demi-lieue.

Ils avancèrent au petit pas, et quelques minutes après, effectivement, débouchèrent en face d’eux, par la barrière d’un enclos, deux femmes enveloppées jusqu’aux yeux, malgré la douceur de l’air, de châles et de chapeaux, et les pieds protégés par d’élégants sabots contre l’humidité du sol. Grâce à la fraîcheur de son teint, à l’éclat de ses yeux noirs, à la souplesse de ses mouvements, Mme  Bourdon semblait jeune encore, malgré l’énorme embonpoint qui la faisait aussi large que haute,