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dont elle a mangé ici l’autre jour, et il a fallu que je vinsse vous en demander.

— Mais nous n’en avons pas en ce moment, s’écria Aurélie, je vais te donner la recette : on prend…

— Eh ! dites plutôt à votre cuisinière d’en faire une, mademoiselle Aurélie, interrompit la vieille fille. Vous qui avez sous la main le lait et le beurre, ça sera prêt tout de suite, voyez-vous, au lieu que Mlle Lucie serait obligée de courir par tout Chavagny…

— Ah ! c’est vrai, dit Aurélie, qui, en cette circonstance, ne songeait pas plus à refuser qu’à offrir. Elle se leva pour aller donner des ordres.

— Ça ne va donc pas mieux ? dit Mlle Boc d’un air chagrin, en s’adressant à Lucie.

— Non, c’est une alternative continuelle. Tantôt mieux, tantôt plus mal. Le mois dernier, elle était si bien que nous croyions tous à sa guérison ; ça a bien changé.

— Ne vous affligez pas comme ça, ma chère amie. Le mieux reviendra ; il faut toujours espérer. Dieu n’abandonne pas ceux qui ont confiance en lui. Aujourd’hui le mal, demain le bien. La vie n’est que changement. Vous êtes vous-même bien fatiguée, mademoiselle Lucie.

— Je ne suis pas malade, répondit-elle.

— Non ; mais vous avez de la peine, on le voit. Toujours broder ! toujours broder ! Dame ! ça épuise à la fin. Pauvre demoiselle, allez ! Dieu vous bénira. Pauvre amie !

Blessée de cette compassion indiscrète, la jeune fille s’accouda sur le bras du fauteuil où elle était assise, et ne répondit pas. La Boc n’en continua pas moins ses sympathiques doléances jusqu’au retour d’Aurélie, qui revint en disant :

— Ce sera prêt dans dix minutes, ma chère, à ce que m’a dit Mariton ; si tu avais besoin de quelque autre chose…