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cette maison ; mais elle n’y était pas seule, Michel y était aussi. Peu à peu, sous la chaleur d’une imagination de jeune fille, arbres et légumes poussèrent dans le jardin, et la cour se remplit d’animaux domestiques. Lucie allait et venait, occupée de mille soins. Michel, en sortant de l’écurie, faisait ses ablutions à la fontaine ; ils entraient ensemble dans la maison ; d’un coup d’œil aussitôt la chambre fut meublée, et Lucie n’oublia rien, non, pas même un berceau…

Elle tressaillit, et, s’éveillant, jeta ses regards autour d’elle. Dans le miroir de l’eau elle aperçut le visage de Michel qui la contemplait. D’abord, elle s’en détourna ; mais elle revint bientôt à cette image tremblante et confuse, qui l’intimidait moins que la réalité. Cependant leurs yeux se rencontraient ainsi, et le bateau allait bien lentement.

— Allons-nous dormir ? s’écria Gène tout à coup. Nous sommes loin, il faut revenir.

— Eh bien ! retournons, dit faiblement Lucie.

Michel vira de bord.

— Oh ! dit Gène, ça sera trop long de remonter en bateau, à cause du courant.

— Mais cela est si charmant ! répliqua Lucie, il est vrai que nous fatiguerions trop Michel.

— Ah ! mam’zelle Lucie, qu’est-ce que vous dites là ? Je vous mènerais comme cela toute la journée sans me fatiguer du tout. — Et quel bonheur ! ajoutait son regard.

Ils mirent, en effet, beaucoup de temps à remonter la rivière jusqu’au pré des Bernuchon. Peut-être Michel ne se pressait-il guère. Pendant le trajet, Lucie et Gène se défièrent à conduire. Gène semblait avoir repris sa bonne humeur ; même elle était plus vive qu’à l’ordinaire. Elle prit des mains de Michel la grande et lourde perche et manœuvra d’une manière satisfaisante.