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ducation, et cette défiance qu’elle nous inspire des sentiments spontanés, la retinrent aussitôt ; elle prit seulement le bouquet, et levant les yeux vers le sommet de l’arbre où Michel se trouvait, elle répondit par un signe de tête au salut qu’il faisait en agitant son chapeau.

Puis elle poursuivit son chemin en songeant au bonheur et à la peine qu’elle allait éprouver dans cette journée. Elle allait passer avec lui quelques belles heures, puis il faudrait se quitter… pour longtemps. Elle prépara ce qu’elle devait lui dire : elle serait sévère et précise, afin de ne laisser aucun espoir, et après avoir annoncé la volonté formelle de rompre leur intimité, elle lui conseillerait, le prierait même de quitter Chavagny. Tout ce que l’amitié pourrait semer d’espoir et de tendresse dans un avenir lointain, elle se proposait de l’ajouter à cet arrêt. Mais saurait-elle être assez calme pour dire tout cela sans pleurer !

Michel allait arriver après elle aux Tubleries. Le soupçon de Gène ou de ses parents n’allait-il pas accueillir leur rencontre ? Gène, depuis quelque temps, était sérieuse et presque froide avec Lucie. N’en avait-elle pas le droit ? Gène avait naïvement laissé voir à son amie sa préférence pour Michel. Pourquoi Lucie n’en avait-elle pas tenu compte ? Elle avait nui au bonheur de Gène sans avoir fait le sien. Mais, hélas ! il n’y avait pas de préméditation dans sa faute, et la première victime c’était elle-même. Elle se dit : quelque jour je persuaderai à Michel d’épouser Gène. Mais elle sentait que pour le moment ce courage était loin d’elle.

Gène, cependant, en voyant Mlle Bertin, se jeta dans ses bras.

— C’est bien à vous de venir, dit-elle ; je croyais que vous ne m’aimiez plus.

— Et pourquoi ? répondit Lucie, en rougissant d’être