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cendre ; car à présent elle voulait fuir la solitude, elle en avait peur.

Les étoiles brillaient ; la nuit était lumineuse et bleue. Tout dormait, les oiseaux dans les feuilles, les feuilles avec les oiseaux. Une lumière chez les Touron luisait comme un œil de chat dans les ténèbres. Un jasmin sous la fenêtre exhalait ses parfums. Dans l’allée du jardin, Lucie aperçut une ombre. Était-ce le pêcher ? peut-être ; ou la touffe des grands lis, au bord de la plate-bande ? Non, l’ombre remue ; elle marche ! Ah ! c’est lui !

Ou peut-être M. Bertin. Mais il ne se promène jamais le soir.

Lucie éprouva le besoin de tousser.

L’ombre alors se dirigea vers la maison, mais avec précaution, en se cachant un peu derrière les arbres. Tout à coup, elle se montra au bas de la fenêtre, et la voix de Michel monta doucement :

— C’est vous ? disait-elle.

— Oui, Michel ; mais, je vous en prie, retirez-vous, si l’on vous voyait !

— Il fait nuit.

— On peut nous entendre.

Il s’accrocha au contrevent du rez-de-chaussée, et monta, en s’aidant des ferrures, jusqu’au sommet. Puis, se cramponnant au rebord de la fenêtre de Lucie, sa bouche effleura les mains de la jeune fille, qui balbutia tout émue :

— Que vous êtes imprudent !

— Seriez-vous malade, mam’zelle Lucie ?

— Non, Michel, je n’ai que du chagrin. Je n’ai pu aller au jardin ce soir ; je ne pourrai plus y aller. Ne me demandez pas pourquoi, je vous en prie !

— Oh si ! Pourquoi ?

— Parce que… vous ne savez pas, Michel, combien chez nous on se rend esclave des usages… Quand une fois