Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/289

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Mais ta mère est là pour te défendre contre les insinuations de cette bouche empoisonnée ! Grand Dieu ! ma fille ! ma Lucie ! la pureté même ! Ah ! ce chagrin nous manquait ! il nous manquait cet affront !

— Explique-moi tout cela, Clarisse, dit Lucie en tremblant ; car depuis deux mois la conscience de la pauvre enfant est loin d’être tranquille. Elle sent trop bien qu’elle jouit d’un bonheur usurpé sur les lois de l’opinion, en même temps qu’elle se reproche d’encourager la folie de Michel. Mais, à l’idée que ce bonheur est fini sans doute pour jamais, elle éprouve dans son cœur un déchirement affreux. Il lui semble qu’elle va tomber dans une nuit éternelle, et elle frémit en présence d’une vie solitaire et froide, loin de ce regard et de cette parole qui pour elle éclairent et réchauffent le monde. Elle fond en larmes tout à coup, et, tombant sur une chaise, elle cache sa figure dans ses mains.

— A-t-elle donc entendu ce que disait Mlle Boc ? observe Clarisse. Car on ne peut deviner pareille chose assurément.

— Voyons ! qu’a-t-elle dit ? reprend courageusement la jeune fille en essuyant ses larmes. Je veux le savoir enfin !

— Pourquoi pleures-tu déjà ?

— Une émotion nerveuse ! un pressentiment secret, dit Mme Bertin. Eh bien ! ma fille, on est toujours puni des bonnes actions que l’on veut faire. Nous avons eu trop de bontés pour Michel ; on prétend dans le bourg… comment te dire cela ? ma pauvre Lucie ; on prétend que tu as des rendez-vous avec lui !…

Lucie rougit sans répondre.

— Tu rougis ! dit Clarisse.

— Tu es indignée ! dit la mère.

— Oui, maman. De quel droit s’occupe-t-on ainsi de moi pour incriminer mes actions ? C’est odieux ! Oh ! que