Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire tout de suite que c’était moi. Mais ça m’ennuyait d’être pris comme une fouine au trébuchet !… Vous êtes un enragé, père Touron, et je suis pas fâché de vous avoir fait courir, ni d’avoir jeté par terre, sans les toucher, vos deux grands bêtas d’enfants, qui sont peureux comme des belettes, ni d’avoir fait chanter la Marie, comme une truie prise sous une porte ; ce que j’ai sur le cœur, c’est les cris de c’te pauvre femme qui croyait que je voulais lui manger ses petits. Sapristi ! ça m’enfonçait des couteaux dans l’estomac. Comme ça donc, père Touron, sans adieu et à une autre fois.

— C’est bon ! c’est bon ! grommela le tailleur. Je suis ben aise de voir comme les choses vont. Il se paraît que la loi n’est plus respectée du monde, à présent. Si les gendarmes étaient par ici, vous ne seriez pas si crânes ! Allons ! Bonsoir, Cadet ! bonsoir, mam’zelle et sa compagnie.

Voyant Michel près d’éclater, Lucie lui dit : — Laissez cet homme ; pouvez-vous lui ôter sa méchanceté ? Mais quand le tailleur fut de l’autre côté du mur, il éleva la voix encore avec plus d’assurance, et dit en passant près d’eux sous les sureaux :

— Ce Cadet ! hein, tout de même, en a-t-il dérangé du monde ce soir !

Michel, plein de colère, allait se précipiter après lui, quand la petite main de Lucie l’arrêta.

— Vous avez été bien imprudent, dit-elle à Cadet en remontant l’allée à côté de lui, tandis que, tenant toujours la main de Michel, elle l’entraînait ainsi après elle.

— Ah ! c’est que voyez-vous, mam’zelle Lucie, nous étions quasiment devenus de bois, Jean et moi, à force de voir des troncs et des feuillages. Nous en étions si las que nous pensions déjà à marcher jusqu’en Amérique. Seulement, nous ne savions pas de quel côté c’était. Quand