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— On vous apercevrait. — Cette fois, pour maintenir entre eux la distance nécessaire, elle prit la main de Michel. — Attendons.

— Mais ça vous inquiète, mam’zelle Lucie.

— Oui, j’ai peur. Je crois qu’on m’épie ; quelqu’un m’aura vue entrer.

— Laissez-moi sortir, mam’zelle Lucie ; je vous ferai le passage libre…

— Non, Michel, je ne veux pas.

Ils se tenaient toujours par la main. Celle de Michel était-elle moins brûlante qu’au retour des Tubleries, ou que pendant le bal ? Non, et Lucie ne pouvait manquer de s’en apercevoir. Mais il y a chez les jeunes filles les plus pures des curiosités soudaines, d’autant plus hardies qu’elles naissent de l’ignorance. Elles aussi, quelquefois, elles jouent avec le feu, moitié comme des coquettes et moitié comme des enfants. Cependant, la main fiévreuse de Michel communiqua bientôt sa chaleur à celle de la jeune fille, et peu à peu cette impression physique, dont la cause était une impression morale, remontant à sa source, troublait profondément le cœur de Lucie. Alors elle voulut retirer sa main, que la robuste main du jeune homme enveloppait tout entière ; il ne le permit pas d’abord.

— Laissez-moi, dit-elle, je veux partir.

Un long soupir gonfla la poitrine de Michel, et il laissa la jeune fille s’éloigner. Mais elle arrivait à peine à la porte, qu’il se retrouvait auprès d’elle, et il annonçait l’intention de la reconduire, quand au dehors se fit entendre un bruit de voix.

— Viens, Jeandet ! viens ! je te dis que j’ai vu quelqu’un qui entrait avec une chandelle dans la grange de M. Bertin.

— Eh ben ! qui donc ça peut-il être ?