Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/232

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— Pourquoi ne pas croire Lucie ? Elle est pleine de franchise ; d’ailleurs, quel intérêt ?…

— Heuh ! fit Mme Bourdon, qui sait ? dans la position où est Lucie !… Elle ne peut voir de bon cœur le mariage de sa cousine, et je me suis dit que d’une secrète jalousie à de méchantes suppositions, puis à de méchants propos, il n’y a pas loin peut-être.

Lucie ne put retenir un mouvement d’horreur, et l’odieux des insinuations de sa tante l’émut si vivement, que ses yeux se remplirent de larmes. Elle éprouvait aussi une souffrance extrême de se voir accusée devant Michel, mais cette peine-là ne dura guère. Il se baissa doucement, et tout à coup elle le vit à genoux devant elle, les mains jointes, et portant sur son visage tant d’adoration et de ferveur, qu’elle se sentit assez vengée. Les larmes amères venues dans ses yeux coulèrent sur ses joues au milieu d’un sourire. Elle pressa les mains de son enthousiaste ami dans les siennes, et ces deux jeunes et braves cœurs échangèrent dans un regard la confiance profonde qui les animait.

— Eh bien ! te rendras-tu à l’invitation de {{Gavel}} ? demandait la voix doucereuse de Mme Bourdon.

— Moi, aller au-devant de cet homme à qui j’avais confié le bonheur de ma fille et qui l’a trahi d’avance ! Non ! non ! tu n’y penses pas.

La voix de M. Bourdon, tour à tour éclatante et sourde, révélait en même temps une émotion profonde et une vive indignation. Il devait marcher à grands pas dans le bosquet, car la direction de sa voix changeait sans cesse.

— Voyons, reprit-il, ne t’aurais-je pas dit la moitié de tout ce que vient de m’apprendre ce malheureux Mourillon ?

— Ses récits, naturellement, sont exagérés et pleins de