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— Est-il possible ? s’écria Lucie. Et se levant aussitôt, elle prit, sans l’éveiller, l’enfant dans ses bras, franchit la haie qui sépare le jardin du pré de la Françoise, et tandis qu’à grands pas elles marchaient côte à côte : Qu’ont-ils fait ? Qu’y a-t-il ? dis vite !

— Voici, répondit Gène en baissant la voix : la Martine est encore chez nous et ne s’en va que demain. La Chérie lui avait fait promettre de revenir la voir, parce qu’elle veut faire son amie d’une fille comme la Martine, et déjà entre elles deux c’est des amitiés risibles, où chacune a son idée, Martine voulant venir souvent à Chavagny, la Chérie voulant se pavaner avec elle dans les ballades. Peut-être aussi complotent-ils de la marier avec Sylvestre ? enfin, ça m’est égal. Donc nous étions chez les Perronneau, quand arrivent deux gendarmes qui demandent le maire. Il était au jardin ; Chérie va l’appeler, et quand ils sont tous les trois dans la salle, Chérie écoute à la porte pour savoir ce que c’est. Paraît que c’est son habitude. Au bout d’un temps, elle revient tout effarée nous dire qu’ils veulent emmener en prison Cadet Mourillon, Jean, et Michel le domestique des Èves, parce’qu’ils ont assassiné M. Gavel.

— C’est impossible ! s’écria Lucie.

— Bien sûr ! mam’zelle. Aussi, tout de suite, j’ai eu l’idée de courir aux Èves pour les avertir, et la Martine voulait y venir aussi ; mais j’ai pas voulu d’elle parce qu’elle est trop bête, et pensant bien vous trouver dehors, j’ai passé par ici, puisque ça n’allonge point. Comme ça, vous portez l’enfant chez la Françoise ?

— Oui, à sa sœur Lisa.

En même temps elle entra. Lisa était seule, filant tristement sa quenouille. Elle n’osa interroger Mlle Bertin, mais tandis que celle-ci posait l’enfant sur un lit, en disant que plus tard elle viendrait le reprendre, la pauvre